Après avoir laissé libre cours à tous les opposants à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne vendredi 23 septembre, lors de la première journée de la convention de l’UMP consacrée à l’Europe, Nicolas Sarkozy a laissé s’exprimer durant la seconde journée, le samedi, des voix plus modérées, dont la sienne.
La possibilité d’un candidat hors du parti
François Fillon et Philippe Douste-Blazy ont tous deux estimé, dimanche 25 septembre, qu’il était possible de se présenter à l’élection présidentielle sans être investi par un parti politique. Le sarkozyste François Fillon a assuré sur Canal+ que l’UMP « ne rejouera pas » le duel Chirac-Balladur de 1995, rappelant qu’il y aura des primaires. « Il n’y aura qu’un candidat de l’UMP », a-t-il expliqué en soulignant « si quelqu’un d’autre veut se présenter, il se présentera à l’élection présidentielle, mais ce ne sera pas le candidat de l’UMP » .
M. Douste-Blazy, proche de Dominique de Villepin, a estimé pour sa part sur Radio J que le débat sur les primaires est « ridicule, car vous n’empêcherez jamais personne de se présenter s’il a envie de se présenter ».
Citant inhabituellement Jacques Chirac, partisan de l’adhésion d’Ankara, à deux reprises, le président de l’UMP se sera gardé de l’attaquer frontalement. Hostile à cette négociation qui débute le 3 octobre, M. Sarkozy n’a pas demandé son report ou son annulation comme d’autres orateurs avant lui. Rappelant que le 9 mai 2004, sous la présidence d’Alain Juppé, et le 6 mars 2005, sous la sienne, l’UMP avait déjà manifesté son opposition à cette perspective, il n’a pas souhaité transformer ce colloque en tribune pour s’affronter une nouvelle fois au président, se contentant de rappeler : « Notre ligne n’a pas changé. » « Il n’y a aucune nécessité de dramatiser les choses, d’accentuer le fossé » , a-t-il continué.
UNE NOUVELLE STRATÉGIE
Pourquoi, alors, avoir laissé entendre par quelques confidences distillées par des proches du ministre de l’intérieur que ce dernier avait l’intention de « jeter une grenade » dans les pieds du président de la République à quelques jours du 3 octobre, date du début des négociations avec la Turquie ? « Je sais qu’on attend des petites phrases , a-t-il continué dans un registre pacificateur. Faisons comme si de rien n’était. Faisons de nos différences des additions et une chance. »
Décidé à apparaître comme le point d’équilibre de son parti alors qu’il se targue le plus souvent d’en être l’avant-garde, et renvoyant « au débat de 2007 » le moment de trancher cette question, M. Sarkozy a voulu, selon son bras droit Brice Hortefeux, s’essayer à une nouvelle ligne stratégique. « Ni retrait ni surenchère. Sur un sujet majeur, Nicolas a montré qu’il pouvait rassembler », se félicitait le ministre délégué aux collectivités locales.
Délaissant le registre de la polémique, le président de l’UMP a donc essayé de donner sa vision de l’Europe, dont « la nouvelle raison d’être » doit être de « maîtriser la mondialisation ». Appuyé sur le principe de « préférence communautaire » qui, dans son discours, apparaît comme une alternative au « patriotisme industriel » prôné par Dominique de Villepin, le ministre de l’intérieur a plaidé pour une meilleure défense « des intérêts de nos entreprises et de nos emplois ». « L’Europe doit d’abord acheter européen » , a-t-il lancé.
Tandis que le ministre des affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, défend l’idée d’une « avant-garde » européenne de dix pays (membres fondateurs de l’Union européenne), M. Sarkozy lui préférerait un « groupe des six » (France, Allemagne, Espagne, Italie, Grande-Bretagne et Pologne) comme « moteur de la nouvelle Europe ».
Par ailleurs, il s’est montré très prudent sur l’idée de représenter la Constitution, même modifiée, aux Français, expliquant que si le « référendum était une respiration démocratique du septennat » il n’en allait pas de même dans le contexte d’un quinquennat.