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L’Europe au pied du mur

vendredi 16 septembre 2005

Bismi.net,15-09-05

« Il y a maintenant deux options : une Europe repliée sur elle-même ou une Europe ouverte au reste du monde, une Europe qui étend ses frontières pour bâtir une communauté plus large de démocraties stables et prospères, ou une Europe qui ferme la porte à ses voisins ».

C’est en ces mots que le ministre des affaires étrangères britannique, Jack Straw, a terminé son discours de soutien à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne insistant sur le fait qu’un rejet de la Turquie entraînerait non seulement un rejet du modèle européen par le reste du monde mais serait aussi le début d’un repli de l’Europe sur elle même, un repli annonciateur d’une mort idéologique et politique.

L’ouverture des négociation avec la Turquie est prévue au calendrier pour le 3 Octobre prochain mais divise encore profondément la classe politique européenne et notamment la France qui semble se positionner, depuis le rejet par sa population du projet de traité constitutionnel européen, en tête d’un front de plus en plus « anti turc ».

Le président Jacques Chirac, qui fut toujours un ardent défenseur d’Ankara et de l’ouverture de négociations en vue de son entrée dans l’union européenne a caricaturalement changé d’orientation après la réponse négative apportée par le peuple français au référendum sur l’adoption du projet de traité constitutionnel européen, sans doute une façon de montrer aux français que tout ne les oppose pas à leur président.

Le numéro un du gouvernement français, le premier ministre Dominique De Villepin, a quant à lui jeté de l’huile sur le feu en déclarant il y a quelques semaines qu’il était « inconcevable » que l’ouverture de négociations avec la Turquie soit entamée alors que celle ci ne reconnaît toujours pas la république de Chypre déjà dans l’Union Européenne. C’est la première fois en effet que le problème de la reconnaissance de la république de Chypre est mis en avant pour l’ouverture de négociations et non pour une adhésion à l’Union Européenne : Comment Ankara pourrait-elle accepter cette condition alors même qu’elle ne sait pas si elle sera acceptée dans l’Union ?

Cette déclaration a été considérée comme une gifle par l’administration turque qui voit dans le gouvernement français une volonté nouvelle de s’opposer à l’entrée de la Turquie dans l’Europe, seule façon de légitimer son importance sur la scène internationale, importance largement amoindrie depuis le conflit irakien et le « NON » français au référendum sur la ratification du projet constitutionnel européen.

Ce sentiment « anti-turc » est surligné par les déclarations fracassantes du numéro deux du gouvernement français, le « très médiatisé » ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy, qui a déclaré lors d ’une interview télévisée « Si la Turquie était dans l’Europe : ça se saurait ! ». Nicolas Sarkozy et Dominique De Villepin sont pressentis comme « dauphins » potentiels de la droite pour les futures élections présidentielles de 2007, ce qui fait craindre aux autorités turques de futures négociations difficiles et s’inquiète de son avenir potentiel dans l’Union Européenne alors que les pères fondateurs émettent de plus en plus de « réserves ».

La question de la reconnaissance de la république chypriote par Ankara ne pose pas problème qu’aux français et en ce moment même les ambassadeurs des 25 pays de l’Union Européenne peinent à se mettre d’accord sur la rédaction d’un texte commun sur le sujet. Les 25 pays membres ne sont pas parvenus à élaborer un mandat de négociations pour l’ouverture des négociations d’adhésion à la Turquie prévue pour commencer pourtant dans seulement deux petites semaines, le 3 Octobre 2005.

L’Autriche a montré son vif intérêt de proposer à Ankara un « partenariat privilégié » au lieu de négociations dans l’optique d’intégrer l’Union Européenne, et se place en tête des pays s’opposant à l’entrée de la Turquie dans l’Europe pour des raisons « idéologiques ».

Kypros Chrysostomides, le porte parole du gouvernement chypriote, a dors et déjà prévenu que son pays empêcherait l’ouverture de négociations le mois prochain si un consensus n’était pas trouvé par les 25 concernant le refus d’Ankara de « reconnaître » la république de Chypre : « S’il n’y a pas d’entente à 25, cela signifie qu’il n’y aura pas d’accord sur le cadre des négociations et cela veut évidement dire que les négociations d’adhésion ne commenceront pas le 3 Octobre ! ».

La France serait pourtant convenu avec la présidence britannique de l’Union Européenne de faire de la reconnaissance de tous les états membres, et donc de la république de Chypre, un préalable à l’adhésion de la Turquie dans l’Union et non à l’ouverture de simples négociations.

Il est fort à parier qu’aucun accord ne sera trouvé et les ambassadeurs européens devront de nouveau discuter de cette question le 21 septembre prochain, mais s’ils échouaient à nouveau à trouver un accord, il est vraisemblable que l’Union Européenne convoquerait une réunion extraordinaire de ses ministres des Affaires étrangères le 26 septembre pour trouver un compromis.

Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, s’est montré très critique à l’égard des états membres de l’Union Européenne et de l’Autriche estimant que certains pays cherchaient à tout prix des moyens de mettre des battons dans les roues de la Turquie afin de l’empêcher d’intégrer l’Union Européenne : « La Turquie a rempli les critères politiques de Copenhague en travaillant jour et nuit (...) et, maintenant, après tout ce que nous avons fait, on se pose encore la question de savoir si les discussion d’adhésion peuvent débuter ou pas ?. Amener devant la Turquie certaines questions qui n’ont aucune pertinence n’est pas digne d’une éthique diplomatique internationale. C’est laid ».

L’administration turque a à juste titre le sentiment que nombre d’états européens ne souhaitent pas l’ouverture de négociations avec elle et encore moins que celle ci n’intègre dans quelques années l’Union Européenne et ceci pour de « basiques » questions culturelles et/ou religieuses.

Recep Tayyip Erdogan s’est souvent montré septique à l’égard de l’ « éthique politique » de certains états membres de l’Union et a comparé à plusieurs reprises l’Europe à un grand « club chrétien » arguant du fait que les retissences des « anti-turcs » étaient principalement dues au fait que la Turquie soit un pays musulman, même s’il est le plus grand état laïc de toute l’Europe.

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