Istanbul (correspondance)
L’interdiction de vol prononcée contre Onur Air par quatre pays européens prend, en Turquie, une dimension politique. Samedi 14 mai, le ministère des transports a dénoncé une décision « unilatérale » des autorités néerlandaises, suivies par leurs homologues allemandes, suisses et françaises. Binali Yildirim, le ministre des transports, a déclaré espérer « un règlement à l’amiable » .
La veille, Rauf Gerz, porte-parole de la compagnie aérienne incriminée, avait dénoncé « une décision chauvine. Nous pensons qu’elle est motivée par des intérêts politiques et commerciaux » . L’ambassadeur turc à La Haye a demandé des explications au ministre néerlandais des affaires étrangères. Selon le quotidien Zaman, les efforts diplomatiques déployés par la Turquie ont cependant permis à Onur Air d’obtenir le droit d’emprunter l’espace aérien français et allemand, pour atterrir en Belgique ou en Grande-Bretagne.
En revanche, le gouvernement d’Ankara a démenti, dimanche, avoir pris des mesures de rétorsion contre les compagnies aériennes des pays concernés. « L’expression d’émotion dans les relations internationales ne peut que nuire à la Turquie » , a tempéré le ministre. Le vice-président d’Onur Air, Sahabettin Bolukcu, avait affirmé, samedi, que des « contrôles inopinés » avaient été dirigés par l’aviation civile turque contre les avions de compagnies charters hollandaises à l’aéroport Atatürk d’Istanbul. Il avait également assuré que « les demandes d’autorisation de vols faites [par les quatre pays concernés] pour le transport des 40 000 voyageurs bloqués dans les aéroports avaient été rejetées par la Turquie. » Ce qui a été démenti par les faits : des compagnies hollandaises, allemandes et françaises ont pu venir au secours de leurs ressortissants en souffrance.
Onur Air, premier transporteur aérien privé du pays, a la faveur de nombreux tour-opérateurs européens, en raison de ses tarifs bon marché, pour la desserte d’Istanbul, Antalya, Izmir et Bodrum. Créée en 1992 pour chasser sur les terres du monopole d’Etat Turkish Airlines, Onur Air, qui a réalisé 354 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2004, a su trouver sa place en desservant quelques pays à forte communauté turque : Pays-Bas, Allemagne, Belgique, France...
La compagnie possède une flotte de 28 appareils, assurant près de 300 vols par semaine entre l’Europe et la Turquie. Des vols environ 40 % moins chers qui relient la Turquie à 25 autres pays. L’agence Marmara, spécialiste de la destination, collabore étroitement avec elle. Onur Air détiendrait également 50 % du marché des charters aux Pays-Bas et 25 % en Allemagne, selon sa direction. Mais sa position semble aujourd’hui menacée. « Nous pourrions perdre 7,9 millions d’euros par semaine d’interdiction de vol » , a déploré l’un de ses représentants Yasin Zengin.
Si, depuis sa création, Onur Air n’a jamais connu de catastrophe aérienne, des incidents ont émaillé certains de ses vols : en 2004, 59 passagers d’un Paris-Istanbul avaient refusé d’embarquer à Roissy. L’appareil semblait présenter un problème technique sur l’un des réacteurs. En 2003, un autre avion avait manqué son décollage à La Haye, et un passager avait été légèrement blessé. En 2000, enfin, un vol Antalya-Berlin avait dû se poser précipitamment à Istanbul en raison d’une déficience du système de climatisation.