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En Turquie, l’effondrement du cours de la noisette tourne à la crise sociale

samedi 26 août 2006, par Guillaume Perrier

Le Monde - 11/08/2006

Le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan avait convoqué pas moins de sept ministres, mardi 8 août, pour une réunion d’urgence consacrée à l’épineux dossier de la noisette. A l’issue de ce mini-sommet, qui a duré plus de deux heures, il a annoncé le rachat d’une partie de la surproduction de l’année. Insuffisant, selon le président de la Chambre d’agriculture de Giresun (Nord-Est), Özer Akbasli, pour qui cette mesure est « une déception de plus et promet encore plus de chaos ».

Depuis plus de deux semaines, le cabinet turc doit faire face à une crise agricole et politique majeure et se trouve confronté à la colère des producteurs, sévèrement touchés par l’effondrement des prix. Environ 100 000 personnes s’étaient rassemblées au début du mois dans la petite ville d’Ordu, sur la mer Noire, pour protester contre la politique du gouvernement. Une manifestation monstre qui s’est terminée en affrontements avec la police.

Mardi, un député de l’opposition et élu de la région de production, Sami Tandogdu, a tenté de manifester devant les bureaux du premier ministre en déversant des sacs de noisettes. « Un acte destiné à soutenir les 8 millions de Turcs qui vivent de la noisette, justifie-t-il. J’ai reçu des milliers de messages de félicitations. »

La Turquie est le premier producteur mondial de noisettes, avec environ 85 % de la production, et la région de la mer Noire vit principalement de ce fruit cultivé depuis plus de 2 300 ans. « Dans toute la région, il n’y a pas d’usines, poursuit l’élu. Il n’y a que la noisette et la mer. Les paysans n’ont pas d’autres moyens pour survivre. »

« AVEC L’UE, CE SERA ENCORE PIRE »

Une production excédant largement la consommation mondiale et la chute du cours, passé en un an de 6 à 2,50 livres turques (3 à 1,25 euro) le kilo, se trouvent à l’origine de cette crise. Les petits cultivateurs sont endettés et n’arrivent plus à écouler leurs stocks. Depuis neuf mois, la puissante Union des producteurs de noisettes (Fiskobirlik), gigantesque coopérative chargée de la vente, se montre incapable de rembourser ses dettes aux paysans locaux, ce qui a fait plonger les prix.

« Ce que propose le gouvernement ne nous satisfait pas, clame Onur Sahin, le président de la Chambre d’agriculture d’Ordu. Le problème, c’est que ce sont les gros exportateurs turcs qui fixent les prix et pas le marché. Et Cuneyt Zapsu proche conseiller d’Erdogan joue un rôle important dans cette crise. Il est le président des exportateurs de noisettes d’Istanbul... »

La noisette donne surtout un avant-goût des difficultés que pourrait rencontrer l’agriculture turque dans les années à venir. Jusqu’en 2003, la surproduction n’était pas un problème, puisque Fiskobirlik achetait les surplus à prix fixe aux petits producteurs et affichait des pertes annuelles moyennes de 50 millions d’euros. Aussitôt épongées par le gouvernement. Mais, depuis trois ans, l’Etat, pressé par le Fonds monétaire international (FMI) de réduire les dépenses budgétaires, ne met plus la main à la poche.

« C’est la misère dans chaque secteur agricole, hurle Semsi Bayraktar, le président de l’Union des chambres agricoles turques. Le responsable de cette situation est le gouvernement, qui travaille sous la houlette du FMI et de la Banque mondiale. »

Et dans la perspective d’une éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE), l’agriculture turque pourrait connaître d’autres crises d’ajustement. Parmi les 31 chapitres des négociations d’adhésion, le dossier agricole s’annonce comme un véritable casse-tête. La délégation de l’UE à Ankara encourage tout de même l’abandon progressif des subventions mais aucune négociation n’a commencé. Avec plus du tiers de la population active employée dans l’agriculture, la Turquie n’a pas commencé la restructuration de ce secteur.

« Avec l’UE, ce sera encore pire pour nous, tonne M. Sahin. Nous avons besoin d’une politique spéciale pour la noisette en Turquie. C’est un produit national qui représente 40 % de l’activité agricole et rapporte 1,7 milliard d’euros par an. Il faut que l’UE accepte cette particularité. »

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