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Désunion méditerranéenne

jeudi 20 décembre 2007, par Rudolf Chimelli

L’alliance qu’envisage le président français ne pose pas seulement un problème aux riverains du Mare Nostrum. Elle se heurte aussi à l’opposition catégorique d’Angela Merkel. Un léger handicap…

L’Union méditerranéenne, enfant chéri du président Nicolas Sarkozy, a du mal à se trouver des parrains bien intentionnés. Récemment, Angela Merkel a annoncé, d’une façon inhabituellement rude, qu’elle n’en voulait pas. Son existence, craint-elle, fait courir à l’Union européenne (UE) le risque d’une scission, car l’Europe de l’Est est plus proche des Allemands que la Méditerranée. Dès que Sarkozy a lancé son idée, les Européens du Nord ont manifesté peu d’enthousiasme face à un projet qui renforcerait la position internationale de la France et où eux-mêmes ne feraient que partager les frais. Même l’Italie - terre du Mare Nostrum par excellence - ne veut pas d’institution interétatique en dehors de l’UE.

Réconciliation post-coloniale ?

Sarkozy a proposé aux Algériens de bâtir avec la France l’axe de cette nouvelle union. Le président y voit une forme de réparation pour la domination coloniale et les souffrances entraînées par la guerre d’indépendance, pour lesquelles il se refuse à présenter les excuses attendues. En guise de modèle historique, Sarkozy évoque la réconciliation franco-allemande. Mais son homologue algérien, Abdelaziz Bouteflika, s’est montré réservé. Il n’acceptera d’aborder le sujet que lorsque Paris aura clairement défini les contours et les objectifs d’un tel projet. Les Algériens tiennent en particulier à savoir ce que leur apporterait ce nouveau pacte.

Avec sa proposition d’un axe franco-algérien, Sarkozy se heurte en outre à un problème insoluble : qu’il fasse de l’Algérie son partenaire privilégié, et il froisse automatiquement les rivaux de celle-ci, à commencer par le Maroc. Aussi bien Alger que Rabat tiennent à jouer le premier rôle au Maghreb. Les deux voisins se retrouvent dans des camps opposés sur presque toutes les questions politiques, et pas uniquement dans le conflit sur l’ancien Sahara espagnol. C’est notamment pour cette raison que l’Union du Maghreb, géographiquement beaucoup moins ambitieuse que le projet méditerranéen de Sarkozy, est restée lettre morte.

Leurre anti-turc ?

Plus le plan d’Union de Sarkozy s’étend à l’est, plus les difficultés croissent. Le président, adversaire déterminé de l’entrée de la Turquie dans l’UE, croit qu’Ankara pourrait accepter - comme solution de rechange - de devenir membre de son Union. C’est fort peu réaliste. Les Turcs réclament le statut d’Etat membre de l’UE ou rien. Les héritiers de l’Empire ottoman ne veulent en tout cas pas se retrouver au même rang que leurs anciens vassaux sous le patronage de la France.

Il ne fait aucun doute qu’Israël est également situé sur la Méditerranée, mais Gaza aussi. Or nul ne sait à quoi pourrait ressembler l’Etat palestinien. De plus, Israël est toujours en état de guerre avec la Syrie et plusieurs autres pays arabes riverains. Leur appartenance commune à une union est un rêve sans avenir.

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Sources

Source : Courrier international (France), jeudi, 13 décembre 2007,
Süddeutsche Zeitung

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