Istanbul Correspondance
La Turquie continue de faire valoir sa position particulière vis-à-vis de l’Iran et se déclare fermement opposée à des sanctions sur le dossier du nucléaire. Accompagné de plusieurs ministres et députés de son parti (l’AKP) ainsi que d’une importante délégation d’hommes d’affaires, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a entamé, lundi 26 octobre, une visite officielle à Téhéran. Il devait y rencontrer le Guide suprême, Ali Khamenei, ainsi que le président Mahmoud Ahmadinejad, « notre ami, sans aucun doute », a précisé M. Erdogan, dans un entretien publié lundi par le quotidien britannique The Guardian.
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Les accusations de plusieurs pays occidentaux contre l’Iran, soupçonné de mener un programme d’enrichissement d’uranium à des fins militaires, seraient des « rumeurs », selon le chef du gouvernement turc, qui qualifie de « folie » l’idée de mener des frappes aériennes contre son voisin oriental. Depuis le début de la crise, la Turquie s’oppose à des sanctions. « Ce n’est pas très juste parce que ceux qui accusent l’Iran ont des infrastructures nucléaires très puissantes. Donc même si l’Iran n’a pas d’arme atomique, ce sont ceux qui en possèdent qui disent que l’Iran ne devrait pas en fabriquer », a-t-il ajouté.
Le gouvernement affiche sa bonne entente avec l’Iran et privilégie l’option diplomatique, au moment où une mission de l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA) inspecte le site d’enrichissement de Fordo, près de Qom, au sud de Téhéran. En juin, le premier ministre turc avait été parmi les premiers leaders à féliciter Mahmoud Ahmadinejad après sa réélection à la présidence, alors que l’opposition iranienne dénonçait des fraudes.
Les deux hommes d’Etat ont en commun une origine sociale modeste, un langage populaire et une foi musulmane affichée. Leurs pays partagent des intérêts économiques et stratégiques. Le montant des échanges entre les deux pays devrait être porté de 8 milliards à 13,5 milliards d’euros d’ici à 2011. Un projet de zone franche commerciale à la frontière entre les deux pays doit notamment être discuté au cours de la visite de Recep Tayyip Erdogan. Ainsi que la lutte contre la guérilla kurde du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), active des deux côtés de la frontière.
Surtout, l’Iran est le deuxième fournisseur de gaz de la Turquie, derrière la Russie. Pour Ankara, la coopération énergétique avec le voisin iranien est une nécessité. La Turquie, qui importe également 50 millions de m3 de gaz naturel par an, se trouve sur le point de finaliser un investissement de 2,3 milliards d’euros dans le champ gazier de South Pars, signé en 2007 mais laissé en suspens depuis. Et fin 2008, les deux pays avaient évoqué la possibilité de construire un gazoduc transfrontalier de 1 800 km de long. Une idée qui pourrait être relancée. Un partenariat doit également être signé, mardi, dans le domaine de l’électricité.
Mais cette démonstration d’amitié irrite certains des alliés traditionnels de la Turquie, à commencer par Israël, avec qui la relation n’a cessé de se dégrader ces derniers mois. Ankara a annulé, mi-octobre, des manœuvres aériennes au-dessus de la plaine d’Anatolie auxquelles devait participer l’armée israélienne. La diffusion, par une chaîne de la télévision publique turque, d’une série ayant pour cadre la guerre de Gaza, a été ressentie comme un affront.
L’alliance, principalement militaire, qui lie les deux pays, traverse une mauvaise phase, depuis les bombardements de Gaza par Israël, en janvier, vivement dénoncés par les dirigeants turcs. M. Erdogan s’était notamment emporté lors d’un débat avec le président israélien, Shimon Pérès, au forum de Davos. Le rapprochement en cours de la Turquie avec l’Iran mais également avec la Syrie, risque de les éloigner davantage d’Israël.
Guillaume Perrier
Selon M. Erdogan, Nicolas Sarkozy est « injuste »
Interrogé par le quotidien britannique The Guardian, lundi 26 octobre, sur l’attitude des Vingt-Sept concernant la candidature de la Turquie à l’Union européenne, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a répondu : « Parmi les dirigeants européens, il y a ceux qui ont des préjugés négatifs (...) comme la France et l’Allemagne. Pendant la présidence de Jacques Chirac, nous avions d’excellentes relations, et il était très positif vis-à-vis de la Turquie. Ce n’est plus le cas avec (Nicolas) Sarkozy. C’est une attitude injuste. (...) Notre entrée dans l’UE permettrait de relier 1,5 milliard de musulmans aux non-musulmans. (Les 27) doivent voir cela. S’ils l’ignorent, ils affaiblissent l’UE. »