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Saison de la Turquie : Ertugrul Günay « L’Europe ne renforcera pas la démocratie en nous tenant à l’écart »

mercredi 7 octobre 2009, par Philippe Dagen

Comment définir la spécificité culturelle de la Turquie ?

Notre pays a une tradition séculaire de passage et de mélange. C’est un pont entre l’Est et l’Ouest, entre les religions. Nous sommes l’extrême Est de l’Europe démocratique, c’est-à-dire que nous transportons la démocratie occidentale vers l’est. Notre culture est ainsi une culture d’intégration, géographiquement et historiquement. Rome, Byzance, les Ottomans : notre culture est la synthèse de ces éléments, que nous avons intériorisés.

La saison culturelle en France est à cette image : elle réunit près de 400 artistes si différents. Une partie veut montrer le visage moderne de notre pays, d’autres rappellent l’importance des activités traditionnelles, régionales et même locales. La Turquie vient des profondeurs de l’histoire mais elle s’intéresse aussi à tout ce qui se passe. Voyez la Biennale d’art d’Istanbul et combien elle s’ouvre aux uns et aux autres.

Et pourtant des pays refusent l’intégration de la Turquie à L’Union européenne.

L’Union européenne dit avoir intériorisé le multiculturalisme. Dans ce cas, elle devrait s’intéresser à d’autres cultures. Elle devrait se montrer accueillante, et même demandeuse. J’irais jusqu’à dire que le pluralisme peut prendre la Turquie d’aujourd’hui pour exemple et que l’Europe ne renforcera pas la démocratie en nous tenant à l’écart. Faut-il rappeler que la Turquie est une puissance économique, la septième destination touristique mondiale ? Qu’il est un pays de paix, que les droits de l’homme y sont respectés ? Il y a une différence : la religion musulmane. Pourquoi en avoir peur ?

Certains, en Turquie, dénoncent un retour à un ordre moral.

Au XXe siècle, les concepts occidentaux ont pénétré en Turquie - d’un coup. Ils n’ont pu pénétrer en profondeur si vite. Ils sont restés dans les élites. Puis nous avons connu un régime militaire. Le redéploiement des valeurs démocratiques est un phénomène récent, mais il est en cours, quoi qu’en dit l’opposition. Je ne vois rien d’un retour à l’ordre moral. Différentes conceptions philosophiques et religieuses sont acceptées, celles des chrétiens, des Arméniens, des juifs, de toutes les autres religions. Tout cela prend du temps, mais est en train de s’accomplir.

Quelle est l’image de la France aujourd’hui en Turquie ?

Tous les intellectuels turcs étaient francophones. Pour eux, l’Europe, c’était la France, Hugo, Balzac, Flaubert, les poètes que j’ai moi-même beaucoup lus. La place sentimentale de la France est très forte - et donc la frustration actuelle est aussi très forte. Le sentiment qui domine est que la France ne nous connaît pas. J’observe dans mon entourage la violence de cette réaction sentimentale... Je dois ajouter, et ce n’est pas très diplomatique, que nous nous demandons si, à travers le cas de la Turquie, le gouvernement français n’essaie pas d’envoyer à ses immigrés des messages - des messages négatifs.

Propos recueillis par Philippe Dagen

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Sources

Source : Le Monde, le 07.10.09

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