Pourquoi ont-ils tenté de couper la route vers l’adhésion ? Pourquoi ont-ils brandi la menace de coup d’état et rédigé des mémorandums au sein même de l’armée ? Avec quels appuis médiatiques ont-ils voulu renouveler le 28 février [1997 : mémorandum du Conseil de Sécurité Nationale adressé au gouvernement dirigé à l’époque par le parti islamiste de M. Erbakan, NdT] ? Pourquoi ont-ils ainsi tiré sur la corde raide et menacé la démocratie après les clashes de l’année dernière liées à l’élection présidentielle puis à un nouveau mémorandum de l’armée (le 27 avril) ? Pourquoi ?
Afin que la Turquie n’entre pas dans le cercle fermé des démocraties de première classe, afin qu’elle ne devienne ni un Etat de droit, ni un Etat transparent.
Parce que l’UE signifie la démocratie, le respect des libertés et des droits de l’homme, l’Etat de droit et aussi le libre marché.
Voilà pourquoi ils ont voulu torpiller l’adhésion ; voilà pourquoi aucun règlement n’a abouti en ce qui concerne la question chypriote ; voilà pourquoi l’option militaire a été privilégiée pour régler la question kurde.
Dans ce contexte aucune solution n’a été trouvée. La Turquie s’est cloisonnée au fur à mesure des tensions avec l’UE , lui a tourné le dos et a commencé à regarder vers l’Est plutôt qu’à l’Ouest.
Ils n’aiment pas l’UE
Lorsque l’UE a exigé davantage de démocratie, ils sont devenus des opposants à l’UE. Les pro-européens, les partisans d’une solution à Chypre, d’un dialogue avec les Kurdes ou les Arméniens, sont devenus des traîtres à la nation à leurs yeux.
Cela fait des décennies que la réalité kurde a fait le lit des extrémistes et des opposants aux libertés et à la démocratie.
« La démocratie alors que les tensions demeurent au Moyen-Orient ? La résolution de la question chypriote ? Tout ça, uniquement pour une hypothétique adhésion ! »
C’est ainsi que la Turquie n’en finit pas avec ses peurs illustrées par les scandales à répétition, de Susurluk à Ergenekon. Mais va-t-elle répéter les erreurs du passé ? C’est la question que l’on se pose. C’est la même question que je pose depuis mon premier article. Le Premier Ministre Recep Tayyip Erdogan a-t-il une autre feuille de route ?
Ne vous faites pas d’illusions !
Une Turquie qui tournerait le dos à l’Europe ne saurait être une démocratie. Nous n’en finirons ni avec les menaces de coup d’Etat, ni avec les interdictions de partis politiques sans l’Union Européenne.
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Pendant des années, les Susurluk et autres Ergenekon n’ont pas économisé leurs efforts pour barrer à tout prix la route conduisant à l’Union Européenne, chaque prétexte étant bon pour apporter de l’eau au moulin de la contre-adhésion
« La Turquie doit s’ouvrir plutôt à la Russie, à l’Asie Centrale ou à la Chine et tourner le dos à l’Union » Non ! Mais que ce soit clair, cela ne signifie pas que la voie de l’adhésion soit incompatible avec de bonnes relations avec la Russie ou la Chine.
Alors faut-il jouer leur jeu ?
Il faut surtout garder en tête que le principal objectif est la démocratie, l’Etat de droit et l’adhésion à l’UE . Le chemin de la démocratie ou de l’Etat de droit est une voie qui peut aussi régler les principaux enjeux sociaux et sociétaux du pays.
Selon Mahfi Egilmez, spécialiste des questions économiques au journal Radikal et ancien Secrétaire Général du Ministère du Trésor, la Turquie a bénéficié depuis 2003 de 64.5 milliards de dollars d’investissements directs étrangers [IDE] soit une moyenne annuelle de 11. 7 milliards de dollars. Alors que pour la période allant de 1980 et 2002, le montant de ces investissements n’atteignait que 18 milliards de dollars, soit 783 millions de dollars par an.
Cette explosion des IDE depuis 2003 résulte de l’accélération des réformes structurelles liées à l’ouverture des négociations avec l’UE ainsi que de l’ouverture de la Turquie aux fonds souverains des Etats du Golfe.
Pour conclure, nous ne devons pas tourner le dos à l’UE. Au contraire, nous devons accélérer les réformes nécessaires pour y adhérer, tout en nous ouvrant à la Russie, à la Chine, aux Etats du Golfe Persique et du Moyen-Orient.
Une Turquie qui pèse dans l’UE est une Turquie qui pèse à l’Est et vice-versa. Sans parler des relations avec les USA.