L’année 2007, marquée par l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie, a aussi été la première année d’application de l’IAP qui remplace les anciens instruments de préadhésion tels que Phare, ISPA, SAPARD, l’instrument de préadhésion turc ou les instruments financiers CARDS pour les Balkans occidentaux, en les regroupant en un instrument unique. Le rythme des réformes et celui du processus d’adhésion sont étroitement liés. Pour la Turquie qui redéfinit sa politique étrangère en s’imposant comme puissance régionale et en intervenant sur les dossiers sensibles du Moyen-Orient ; 13 des 35 chapitres de négociation ont été ouverts depuis 2005 et un seul a été bouclé. Dés lors, on peut se demander quelle place elle accorde désormais à l’Union Européenne ainsi qu’au couteux et décourageant processus d’adhésion.
La période de programmation 2007-2013 : planification et mise en œuvre
Afin d’atteindre les objectifs fixés pour chaque pays bénéficiaire, l’IAP s’articule autour de 5 volets :
1-# Aide à la transition et au renforcement des institutions
2-# La coopération transfrontalière
3-# Le développement régional
4-# Le développement des ressources humaines
5-# Le développement rural
Tous les pays candidats ont accès aux cinq volets, notamment aux trois derniers qui les familiarisent avec les dispositifs qu’ils devront mettre en œuvre après l’adhésion et qui ont un fonctionnement similaire aux Fonds Structurels, Fonds de Cohésion et au Fonds de Développement Rural. Les pays candidats potentiels sont quant à eux limités au premier et au deuxième volet.
Le renforcement des institutions est un objectif primordial. Dans ce sens, le premier volet est mis en œuvre à travers des programmes annuels, régionaux ou horizontaux gérés par la Commission, le pays-cible ou d’autres bailleurs de fonds, alors que les autres volets ont un cadre pluriannuel. Les volets 3 et 4 ont donc une planification stratégique sur 7 ans sous la forme de cadre de cohérence stratégique et sont directement préparés par les pays candidats. Examinés par la Commission, ces cadres de références restent avant tout des documents nationaux.
De manière générale les programmes sont adoptés par la Commission après consultation avec les pays cibles. Ce sont les documents annuels comme le rapport de suivi évaluant les avancées des pays ou encore le cadre indicatif financier pluriannuel (CIFP) qui fixent les cadres stratégiques et politiques de l’IAP. Le CIFP donne des précisions sur la répartition du budget de l’IAP sur 3 ans par pays et par volet. Pour ce qui est des programmes d’assistance ciblant simultanément plusieurs pays, les documents indicatifs de planification pluriannuelle (DIPP) remplacent le CIFP.
Ainsi 657 millions d’euros avaient été déboursés pour la période 2000-2006 à travers les programmes régionaux CARDS, les programmes Multi bénéficiaires Phare et ISPA. Pour la période 2007-2013, le montant de l’IAP s’élève à 11,5 milliards. À titre comparatif, l’aide financière pour 2007 était de 497,2 millions pour la Turquie, 141,2 millions pour la Croatie, 58,5 millions pour l’ancienne république yougoslave de Macédoine. La ventilation globale par pays indique aussi que ces trois pays candidats absorbent plus de la moitié de l’enveloppe globale c’est-à-dire 55,2 %. Les montants des subventions sont définis par la population, le PIB/hab., les progrès réalisés et les besoins évalués par la Commission.
Concrètement, pour accéder à ces fonds, les structures privées doivent répondre aux appels d’offres internationaux pour la passation de contrats de services, de fourniture ou de travaux permettant la réalisation des projets. Les entreprises locales peuvent avoir accès aux programmes de subvention qui visent le développement de la compétitivité des régions et des ressources humaines. Les structures publiques ont, elles, toujours accès aux instruments de coopération administrative.
Détail de l’aide financière pour la Turquie
La Turquie est l’un des trois pays candidats à l’adhésion à l’UE dont le partenariat d’adhésion a été adopté en 2001, actualisé en 2003, 2006 puis 2008. Le présent IPA s’appuie sur l’aide apportée à la Turquie dans le cadre des instruments financiers précédents, c’est-à-dire le programme MEDA de 1996 à 2001 et l’instrument de préadhésion turc de 2002 à 2006. Chaque année, un programme national dresse la liste des projets à réaliser. Bien que la Commission soit globalement responsable de la gestion de l’aide, l’IAP est géré par les autorités turques dans le cadre d’un système de mise en œuvre décentralisée des 5 volets à la disposition des pays candidats. Le bénéficiaire principal propose des projets, présente ses exigences et gère les projets. De nouvelles institutions turques ont dû ainsi être mises en place :
le Secrétariat général pour les affaires européennes (SGAE), chargé de définir les projets et d’en assurer le suivi, et
l’Unité centrale de financement et de passation de contrats (UCFC), qui est responsable de la passation des marchés pour tous les projets financés par l’UE.
Pour ce qui est des montants, l’IAP en faveur de la Turquie est doté de 4,9 milliards d’euros pour la période 2007-2013 soit quatre fois plus que la période précédente. La Turquie bénéficie à elle seule de 3,9 milliards d’euros sur la période 2007-2012, ce qui équivaut à la moitié de l’ensemble des crédits disponibles.
Les objectifs à atteindre en Turquie pour chaque volet sont conjointement définis. Ainsi, le premier volet vise avant tout à apporter un soutien aux institutions dans la réforme de la magistrature, des forces de l’ordre et de l’administration publique tout comme à la promotion des droits de la femme, des droits de l’homme et des droits de l’enfant. Les domaines de la justice, de la liberté et de la sécurité qui comprend la délicate question des frontières, des migration et des visas, mais encore le domaine de l’environnement sont particulièrement sensibles pour l’adoption et la mise en œuvre de l’acquis communautaire.
Ensuite, le programme transfrontalier entre la Turquie et la Bulgarie constitue la priorité du deuxième volet. Quant au troisième volet adopté par la Commission, il vise à renforcer la compétitivité via les investissements dans le secteur des infrastructures des Transport afin d’établir une interconnexion et une interopérabilité des réseaux nationaux et transeuropéens. Le quatrième volet « développement des ressources humaines » priorise évidemment l’emploi, l’éducation, l’adaptabilité à travers l’éducation et la formation tout au long de la vie. En soutenant les entreprises, le programme de compétitivité régionale veut améliorer la compétitivité des régions les plus pauvres de Turquie. Enfin dans les domaines de l’approvisionnement en eau, l’assainissement et la gestion intégrée des déchets des progrès sont à accomplir et constituent les priorités du programme environnemental.
Aide Financière de l’UE apportée à la Turquie en million d’€
COMPOSANTE | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 |
Aide à la Transition et au Renforcement des Institutions | 256,7 | 256,1 | 233,2 | 211,3 | 230,6 | 250,9 |
Coopération Transfrontalière | 2,0 | 2,8 | 9,3 | 9,5 | 9,7 | 9,9 |
Développement Régional | 167,5 | 173,8 | 182,7 | 238,1 | 291,4 | 350,8 |
Développement des Ressources Humaines | 50,2 | 52,9 | 55,6 | 63,4 | 77,6 | 89,9 |
Développement Rural | 20,7 | 53,0 | 85,5 | 131,3 | 172,5 | 197,8 |
TOTAL | 497,2 | 538,7 | 566,4 | 653,7 | 781,9 | 899,5 |
Les limites de l’IAP
Le rapport spécial de le Cour des Comptes Européennes datant du 13 janvier 2010 établit un bilan critique de l’IAP en faveur de la Turquie. La Cour a contrôlé 11 des 82 projets relevant des programmes nationaux de 2002 à 2004, les projets plus récents n’étant pas encore achevés au moment de l’audit. Il aurait connu plusieurs obstacles affectant les programmes précédents : des retards excessifs, des difficultés de mise en œuvre ou encore une évaluation et un contrôle inadéquats. Des mesures ont déjà été adoptées pour remédier à ces insuffisances mais ces changements ne pourront être visibles que lorsque les projets IAP seront réalisés dans les années à venir. Des améliorations sont encore souhaitées en matière de définition des priorités et d’évaluation de l’efficacité du financement. Les domaines où des progrès sont essentiels concernent la définition d’objectifs stratégiques pour l’aide financière, la mise en place de délais plus réalistes pour réaliser les objectifs, ainsi que le contrôle de la performance et des résultats des projets sur la base d’objectifs clairs et d’indicateurs appropriés.
Depuis quelques années, un tournant diplomatique turc est palpable : le pays tente de construire une politique active et des relations bilatérales solides avec ses voisins arabes ainsi que les pays des Balkans ou du Caucase. Parallèlement, les négociations pour l’adhésion de la Turquie à l’UE semblent s’enliser. La Commission a toutefois conclu que le pays avait progressé dans le respect des critères d’adhésion, en particulier par le biais de la réforme constitutionnelle approuvée par référendum en septembre 2010 qui peut être vu comme un pas supplémentaire vers l’UE mais ne masque en rien le poids de certains obstacles comme la question chypriote où le manque de dialogue entre les partis politiques turcs. Des avancées sont nécessaires en ce qui concerne les droits fondamentaux, notamment pour garantir l’exercice effectif de la liberté d’expression et des médias. Pour palier ce manque l’instrument Européen pour la Démocratie et les Droits de l’homme ; autre instrument d’action de l’UE ; complète les autres outils dans la mise en œuvre des politiques européennes en matière de démocratie et de droits de l’homme. En Turquie où cet instrument s’applique depuis 2002, des centaines de projets touchant à la liberté d’expression ont pu être mis en œuvre par des ONG mais sans volonté politique ces droits ne pourront être pleinement garantis.