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Les peurs inavouées des électeurs de l’UMP au sujet de l’entrée de la Turquie en Europe

vendredi 4 mars 2005, par Jean-Baptiste de Montvalon

Le Monde

Le 6 mars, le conseil national devrait dire « oui » à la Constitution et « non » à l’intégration turque. Sur ce sujet, le désarroi de la base s’accroît.
Il est pour. Ils sont contre. Il, c’est Jacques Chirac. Ils, ce sont les électeurs de l’UMP, mais aussi les dirigeants du parti chiraquien. Objet du désaccord : l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne. Un sujet sur lequel le chef de l’Etat a, depuis plusieurs mois, manifesté son ouverture, alors que l’hostilité de la base de l’UMP ne s’est jamais démentie, conduisant la direction du parti à afficher, elle aussi, son refus d’une intégration turque à l’Europe. Pourquoi cette hostilité ? Derrière les arguments officiels, comme la question des frontières de l’Europe, avancés par les dirigeants de l’UMP, se cachent souvent des sentiments moins avouables.

Dimanche 6 mars, cette question turque devait revenir sur le devant de la scène à l’UMP. Ce jour-là, Nicolas Sarkozy réunira le conseil national - les cadres du parti - auquel il soumettra une motion consacrée à la Constitution européenne. A travers ce texte, l’UMP dira « un oui franc et massif à l’Europe ». « La Constitution représente une nouvelle marche en avant. Les Français doivent y prendre toute leur part en répondant oui », indique le texte, dont Le Figaro a publié le contenu vendredi 4 mars.

Mais, outre des demandes pour que « l’Europe se préoccupe davantage des conditions de concurrence loyale », définisse et applique « une politique commune de lutte contre l’immigration irrégulière » et fasse « davantage pour ceux qui voient leur emploi menacé par la concurrence mondiale », la motion confirma aussi « la décision du conseil national du 9 mai 2004 » sur la Turquie. C’est-à-dire le « non » à l’entrée dans l’Union, pour proposer « un partenariat privilégié ».

« Perte d’identité », « perte des repères », « cristallisation des craintes » et « paradigme des peurs » : le diagnostic que livre dans nos colonnes la députée européenne (UMP) Roselyne Bachelot illustre l’ampleur du désarroi des militants UMP. Une étude CSA, réalisée fin février, montre que seulement 17 % des électeurs UMP sont favorables à une entrée de la Turquie dans l’Union, contre 32 % en décembre 2004. Au moment des élections européennes, en juin 2004, l’électorat de droite était, derrière celui d’extrême droite, le plus hostile à l’intégration de la Turquie.

L’intervention du chef de l’Etat sur TF1 le 15 décembre 2004 pour défendre le bien-fondé de cette perspective, n’y a rien changé. Une « note technique », reçue par Matignon et couvrant la semaine du 13 au 19 décembre 2004, soulignait que le message « n’a -vait- guère fait bouger les lignes de force ». « A droite, l’intervention du chef de l’Etat a plutôt renforcé l’opposition », soulignait cette synthèse, qui rappelait que c’est à droite que « la question turque semble davantage peser sur l’issue du référendum » sur la Constitution.

« CELA NE S’AVOUE PAS »

A la différence des électeurs de gauche, qui « mettent plus en avant, dans leurs réticences, les critères liés aux droits de l’homme et à la laïcité, les questions religieuses et culturelles polarisent plus les discours » des électeurs de droite hostiles à l’intégration de la Turquie, souligne Stéphane Rozès, maître de conférences à Sciences-Po et directeur de CSA-Opinions ? « Dans une partie de l’électorat de droite, il y a le fantasme d’une Europe islamisée », note Pierre Giacometti, directeur général de l’institut Ipsos. « Cela ne s’avoue pas facilement », ajoute-t-il, pointant le décalage qui existe, du coup, entre les arguments géopolitiques ou démographiques, avancés par les politiques tenants du « non » à la Turquie, et les arguments populaires.

« Il est louable de parler des droits de l’homme et de la condition des femmes. Mais il s’agit surtout de réponses politiquement correctes », renchérit Jérôme Fourquet, directeur d’études à l’IFOP. « Il est plus facile de répondre cela que de dire : »on n’a pas envie de voir arriver ces musulmans en Europe«  », poursuit-il, reconnaissant avoir entendu « des propos assez musclés et virulents » lors de réunions de groupes organisées pour des enquêtes.

A Matignon, on perçoit, dans les études d’opinion, une « fuite en avant » à laquelle il serait difficile de répondre. « Les arguments de droite en faveur de l’intégration de la Turquie, telle l’idée qu’il est plus risqué d’écarter ce pays si on veut le stabiliser, sont des arguments savants. Ils ne passent pas du tout auprès des électeurs », convient un conseiller de Jean-Pierre Raffarin.

Les responsables de l’UMP, défenseurs de la Constitution, ont choisi de privilégier l’efficacité : ils se sont efforcés de présenter le « non » à la Turquie comme un argument pour voter « oui » à la Constitution. « Plus nous serons dans une Europe intégrée, moins la Turquie pourra y participer. Si vous refusez la Constitution, ce sera alors le grand marché et la question de l’intégration de la Turquie sera posée avec d’autant plus de facilité », a plaidé M. Sarkozy lors d’une réunion publique à Tarbes, le 24 février.

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