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Les Kurdes se perfectionnent dans l’art de la politique

lundi 10 janvier 2011, par Mete Cubukcu

Le congrès du Parti démocratique du Kurdistan (PDK), principal parti au pouvoir dans la région autonome du Kurdistan d’Irak, s’est déroulé au mois de décembre. Le parti, autrefois composé en majorité de combattants anti-Saddam Hussein, est en pleine mutation démocratique et voit émerger une nouvelle classe politique, plus occidentalisée, jeune et féminine.

Le Parti démocratique du Kurdistan d’Irak (PDK) qui veut montrer de lui-même une image nouvelle en prônant le « renouveau, la justice et l’unité » sera-t-il en mesure d’appliquer son programme ? Il y figuredésormais des concepts tels que les droits de l’homme et de la femme, la transparence, le partage équitable des revenus, le respect de l’opposition politique ou encore le plurilinguisme ? Le congrès du PDK qui vient de se dérouler à Erbil [siège du gouvernement régional du Kurdistan d’Irak] devrait faire sentir ses effets non seulement sur le PDK mais aussi sur l’ensemble des mouvements kurdes, y compris en Turquie, ainsi que sur l’ensemble de l’Irak. Le programme de ce parti, écrit en 1946 lorsqu’il prit le maquis dans les montagnes du Kurdistan, « est en train de redescendre en ville » pour reprendre l’expression de son leader Massoud Barzani [par ailleurs président de la région autonome du Kurdistan]. Le PDK est ainsi en train d’abandonner sa dimension de mouvement de guérilla avec son système de politburo pour tout doucement se muer en un parti politique à l’occidentale plus social et plus libéral. Cela se ressentait d’ailleurs dans la salle où se tenait le congrès. Certes, les anciens peshmergas [combattants kurdes] avec leurs médailles n’ont pas été oubliés et étaient encore visibles mais l’ambiance a changé. La musique de fond diffusée tout au long de ce congrès n’était plus une musique kurde militante mais de la musique classique. De jeunes filles portant des habits traditionnels guidaient les participants dans une atmosphère marquée par une organisation sans faille qui n’avait que peu à voir avec la façon dont les congrès de ce parti se déroulaient auparavant. On a pu constater que les cadres du PDK se rajeunissaient et que le nombre de femmes y était en augmentation.

Toute la classe politique irakienne a fait le déplacement jusqu’à Erbil, reconnaissant l’importance d’un Barzani qui a réussi à dénouer la crise gouvernementale irakienne qui durait depuis neuf mois. Tout le monde était là : le président kurde irakien Jalal Talabani, le Premier ministre Nouri Al-Maliki, le président du Parlement Ossana Noudjaifi, l’ancien Premier ministre Iyad Allaoui, sorti le premier des urnes en mars 2010, ou encore Ammar Al Hakim, important leader politique chiite. Des personnes qui se retrouvent rarement ensemble dans un même endroit ont donc toutes participées au congrès du PDK. Celui-ci s’est ouvert avec le nouvel hymne national irakien, aussitôt suivi par l’hymne kurde sur fonds de drapeaux irakiens et kurdes. Jalal Talabani, surnommé en kurde Mam Jalal [Oncle Jalal], en tant que président irakien a fait son discours en arabe. Les représentants politiques turcs d’origine kurde, invités à Erbil, semblaient quelque peu contrariés car ils ne parvenaient pas à bien comprendre le discours en langue kurde sorani de Massoud Barzani. Ils parlent en effet un autre forme de la langue kurde, le kurmanci, et aucune traduction n’avait été prévue. Toutefois, l’attention manifestée à l’égard des délégations des partis politiques venues de Turquie - tant l’AKP au pouvoir, que le CHP, kémaliste et dans l’opposition ou que le BDP, pro-kurde - était patente, preuve supplémentaire d’une amélioration des relations entre les Kurdes irakiens et la Turquie. D’ailleurs, c’est en vain que l’on cherchait lors de ce congrès une trace du PKK [mouvement séparatiste kurde de Turquie] dont une partie de la direction militaire se trouve au Kurdistan irakien. Le PDK s’est montré suffisamment intelligent que pour ne pas l’inviter. Les relations entre Erbil et Ankara ont atteint un niveau inimaginable il y a dix ans. La Turquie dispose ainsi désormais d’un consulat à Erbil, la compagnie aérienne Turkish Airlines va bientôt ouvrir une ligne vers le Kurdistan irakien, les banques turques font la file pour ouvrir des succursales et plus de 120 milles citoyens turcs travaillent dans la région.

Les Kurdes irakiens, qui ont jeté les bases de leurs nouvelles institutions au début des années quatre-vingt dix, veulent poursuivre ce processus en se démocratisant, mais ils ont encore du chemin à parcourir. En effet, le seul parti d’opposition autorisé, Goran (Changement), n’avait pas été convié au congrès du PDK.

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Sources

Source : Courrier International, le 23-12-2010

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