L’intervention en Irak va renforcer la volatilité à la bourse d’Istanbul. A terme, la maîtrise du renchérissement et le recul des taux parlent néanmoins en faveur de la Turquie, selon Fortis.
Alors que les bruits de bottes s’intensifient le long de la frontière turco-irakienne, la bourse d’Istanbul montre des signes de nervosité. Après avoir touché un plus haut à 58 232 points le 15 octobre dernier, l’indice des cent valeurs vedettes de la bourse turque est retombé lundi matin à 52094 points. En cours de séance, l’indice IMKB-100 s’est ressaisi pour clôturer hier à 53969 points (-2,7%).
Qu’attendre pour la suite ?
En hausse de près de 38% depuis le début de l’année, l’indice principal de la bourse turque est bien entendu très exposé à une nouvelle correction. Toutefois, dans l’ensemble, l’économie turque peut s’appuyer sur des fondamentaux solides.
L’inflation à son plus bas niveau depuis 1969
Pour Eli Koen, gérant de fonds chez Fortis, l’économie turque dispose d’excellents atouts pour poursuivre sur son élan Elément décisif pour le pays : une meilleure maîtrise de son inflation, autrefois galopante. Alors que la hausse des prix à la consommation atteignait jusqu’à 120% en rythme annuel au milieu des années 1990, le renchérissement s’est limité à 7,1% à la fin du mois de septembre.
Et, d’ici à la fin de l’année, l’inflation pourrait retomber au-dessous de la barre de 7%. Un événement qui ne s’est plus produit en Turquie depuis 1969 ! L’occasion pour Eli Koen de rappeler la longue liste des conséquences néfastes d’une inflation élevée : érosion du pouvoir d’achat pour les salariés, impossibilité d’accéder au crédit pour les petites et moyennes entreprises, dévalorisation de l’épargne. « Pour toute une génération, l’inflation a été en Turquie ce que le communisme fut pour les pays de l’Est », résume le gérant, qui s’exprimait lundi à Zurich.
C’est pourquoi la normalisation en cours de la situation sur le front des prix ne peut que profiter à terme à la Turquie, explique le financier au bénéfice de la double citoyenneté turque et britannique. Cela d’autant plus que le recul de l’inflation n’a pas encore eu le temps d’être entièrement répercuté sur les taux directeurs de la Turquie, qui se situent à 16,75%.
L’élan actuel de l’économie turque ne risque-t-il pas d’être brisé par la soudaine détérioration de la situation géopolitique ?
Eli Koen relativise l’impact des incidents survenus récemment à la frontière irakienne : « Le principal risque à prendre en compte est surtout celui d’une nouvelle hausse des prix susceptible d’être induite par cette crise, via l’importation de pétrole plus cher notamment. Mais cette menace n’est pas spécifique à la Turquie. Par ailleurs il faut aussi constater que l’inflation a diminué ces dernières années en Turquie, alors que le cours du pétrole n’a, lui, cessé d’augmenter tout au long de cette période. »
Quelles conséquences auront les relations politiques plus distantes entre l’Europe et la Turquie ? Eli Koen constate que « les Européens sont de moins en moins nombreux à soutenir une entrée de la Turquie dans l’UE. De leur côté, les Turcs sont moins en faveur d’une adhésion. » Pour autant, les échanges n’ont pas diminué entre ces deux régions, a-t-il ajouté.
Des actions assez chères
En termes d’évaluation, le spécialiste de Fortis estime toutefois qu’il n’y a pas de raisons de se précipiter actuellement sur les valeurs de la bourse d’Istanbul. Les actions turques, qui se traitent avec un multiple de bénéfices moyen de 13,7 pour 2007 et de 12,1 sur base 2008, ne sont plus vraiment bon marché, ni en comparaison historique, ni internationale, souligne Eli Koen. Par comparaison, les actions européennes affichent en moyenne des ratios cours/bénéfices de 13,9 pour 2007 et de 12,5 à l’horizon 2008. Et, compte tenu de la volatilité actuelle, jouer la Turquie constitue un jeu plutôt dangereux actuellement, prévient le gérant de fonds.