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L’élargissement à vingt-sept a profité à l’UE

mercredi 9 janvier 2008, par Jean Quatremer

Nous soumettons ces lignes à ceux qui croiraient encore au péril de l’élargissement, comme dilution de l’Union européenne.

Cette nuit, le Portugal a passé le relais de la présidence de l’Union européenne à la Slovénie pour six mois. C’est la première fois, depuis le grand élargissement du 1er mai 2004, qu’un Etat d’Europe de l’Est va exercer cette fonction. Tout un symbole, d’autant que ce petit pays de 2 millions d’habitants n’existait même pas en tant qu’Etat indépendant avant juin 1991, date à laquelle elle s’est séparée de la Yougoslavie. De leur côté, Chypre et Malte, qui ont aussi rejoint l’Union en 2004, sont passés à la monnaie unique la nuit dernière : la zone euro compte désormais quinze Etats membres et 315 millions d’habitants — la Slovénie ayant adhéré le 1er janvier 2007.

Cette intégration sans heurt des pays de l’Est vient une nouvelle fois souligner que les craintes soulevées par les élargissements de 2004 et de 2007 (à la Bulgarie et à la Roumanie), qui ont porté le nombre d’Etats membres de 15 à 27, étaient infondées. Elles ont pourtant en grande partie motivée le rejet de la Constitution européenne en France et aux Pays-Bas, en 2005 : peur de la « dilution » du projet européen, du blocage des institutions, du « dumping social et fiscal », d’une immigration massive.

Joué le jeu. La réalité est tout autre : les nouveaux Etats membres souhaitent tous être au « cœur de l’Europe » et nullement en périphérie comme la Grande-Bretagne. Leur adhésion rapide à l’espace Schengen de libre circulation, le 21 décembre (lire ci-dessous), ou encore leur volonté de rejoindre le plus rapidement possible la zone euro le montre. Surtout, ils ont parfaitement joué le jeu institutionnel européen et n’ont absolument pas bloqué les processus de décision, soit volontairement, soit du fait de leur nombre. « L’image du business as usual l’emporte sur celle de l’embolie », souligne ainsi Helen Wallace, professeur à l’Institut européen de la London school of economics and science (1). Ainsi, selon les chiffres collectés par Helen Wallace, l’UE adopte le même nombre d’actes législatifs avant et après 2004 (près de 200 par an). Mieux : le temps écoulé entre la proposition initiale de la Commission et son adoption définitive par le Conseil des ministres et le Parlement européen s’est réduit (avant 2004, il fallait 524 jours au Conseil pour adopter un texte ; après, seulement 344) et le nombre de textes adoptés en première lecture est en augmentation pour atteindre 60 % contre 34 % en 2003.

L’anglais dominant. Le nombre de lois européennes adoptées par le Conseil par consensus reste toujours aussi élevé, autour de 90 %. Autrement dit, les Etats n’ont pas plus recours au vote à la majorité qualifiée depuis l’élargissement. Mieux, en cas de vote, on retrouve le plus souvent dans les minorités le Danemark, l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas, la Suède et la Grande-Bretagne, c’est-à-dire d’anciens Etats membres. Finalement, c’est la Commission qui semble ne pas se remettre de l’élargissement : les commissaires se comportent désormais comme les représentants de « leur » Etat d’origine alors que le traité leur impose de défendre l’intérêt général européen. Le futur traité de Lisbonne qui limitera le nombre de commissaires à 18 à partir de 2014 permettra de corriger ce travers. L’élargissement a fait une seule véritable victime : le français. Alors qu’avant 1995, le français était dominant, l’anglais est devenu la langue quasiment unique des institutions. 72% des documents sont rédigés en anglais, 14% en français, 2,7% en allemand…


(1) Adapting to enlargement of the European Union : Institutional practice since may 2004, novembre 2007, étude réalisée pour la Trans european policy studies association (www.tepsa.be).

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Sources

Source : « Libération », 1er janvier 2008.

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