J’ai eu hier l’opportunité de côtoyer assez longuement notre ministre de la Justice, Cemil Ciçek. Nos regards sur le procès d’Orhan Pamuk ne sont pas différents sur le fond. Pour ce qui est de la forme en revanche nous sommes en opposition complète. Mais à force d’écouter le ministre, je dois reconnaître qu’il est difficile de ne pas lui donner raison sur certains points.
Mardi dernier, dans le cadre de la série de rencontres intitulée « l’Europe anatolienne » lancée par le groupe de presse Dogan, nous nous trouvions dans la ville d’Eskisehir. Nous étions les invités de l’Université et de la chambre d’Industrie de cette ville. Le ministre de la Justice Cemil Ciçek devait nous accompagner tout au long de cette journée.
Cemil Ciçek se trouvant parmi nous comment aurait-il été possible de ne pas parler du procès Pamuk ? Et de fait, presque toutes les discussions ont tourné autour de cette question.
« Un processus de transition »
A mesure que le ministre s’exprimait, j’ai compris combien nos avis sur la question divergeaient. Son monde est effectivement totalement différent du mien. En approchant cette question d’un point de vue politique et avec la pleine maîtrise de tous les détails techniques, son regard ne peut que différer. Il est d’ailleurs en lui-même cohérent. Quant à nous, ma foi, nous n’y jetons qu’un regard très général.
Nous nous insurgeons contre le fait qu’un homme soit traîné en justice pour avoir exprimé une opinion personnelle.
Quant à Cemil Ciçek, il déclarait en ces termes : « Montrez-vous un peu plus patients. Nous traversons une période de transition. Et il est vrai que des retards et des erreurs surviennent. Mais tout cela résulte des difficultés rencontrées par le système pour s’adapter à des nouvelles conditions. Si vous nous accordez un peu de temps, vous verrez une cour ou le Conseil d’Etat procéder à quelques fins réglages... »
Nous nous comportons en effet avec quelque impatience.
D’un côté le ministre a raison ; comme nous mêmes sur certains autres points. Le ministre de la Justice défend le Juge et la procédure. Quant à nous, il nous plairait en effet que les choses s’arrangent au plus vite.
Qui d’entre nous a raison ?
Je crois que la vérité doit se tenir à mi-chemin entre les deux positions. Mais dans le cadre de toutes ces discussions, s’il y a bien un point qui a contribué à me rassurer c’est que nous soyons en mesure de nous retrouver avec le ministre sur le droit dont doit pouvoir jouir Orhan Pamuk quant à l’expression de son opinion. L’essentiel se tient très précisément ici.
© Hürriyet, le 22/12/2005