Encouragement de l’immigration entre 1961 et 1973
D’un côté comme de l’autre du Rhin, les immigrés viennent souvent de régions agricoles pauvres mais aussi de l’enfer des grandes villes surpeuplées comme Istanbul et Alger. L’immigration massive des Nord Africains en France débute après la seconde guerre mondiale alors que celle en Allemagne commence seulement 15 ans plus tard, en 1961 suite a une campagne de recrutement très contrôlée. Le 30 octobre 1961, la Turquie et l’Allemagne signent en effet une convention de recrutement de main-d’œuvre. Comme pour les conventions précédentes - en 1955 avec l’Italie, en 1960 avec l’Espagne et la Grèce - , l’initiative est prise par le “pays fournisseur”. Cette convention repose sur une double base : les besoins de main-d’œuvre en raison de la forte croissance économique et la volonté du gouvernement turc de décharger son marché du travail. La Turquie pense alors à l’impact économique des travailleurs qui retourneront dans leur pays avec une qualification mais aussi à l’envoi de capitaux aux familles restées en Turquie. Pour coordonner les départs, un bureau de liaison est mis en place à Istanbul par l’Office fédéral du travail sélectionnant les travailleurs à partir d’un examen d’aptitude professionnelle et d’une visite médicale. Trois catégories de personnes étaient considérées comme prioritaires pour pouvoir émigrer : les habitants de régions sinistrées, ceux des zones les moins développées et les premiers inscrits sur les listes. De 1961 à 1973, l’économie allemande fait venir de cette manière 710.000 travailleurs. Rapidement le système de roulement des ouvriers qui se base sur un permis de travail de deux ans est remis en question car celui-ci et l’hébergement des nouveaux arrivants dans des logements communautaires empêche leur intégration. En 1964, ce principe est alors abandonné et fait place à un séjour plus long.
Echec de la politique de retour et installation des immigrés : 1973 – 1990
En raison des difficultés économiques, le recrutement cesse en 1973 et les immigrés profitent parallèlement de la possibilité du regroupement familial. Redoutant des dispositions plus restrictives, ils se hâtent de faire venir leurs proches. La convention sur les prestations familiales, qui étend les allocations aux enfants des immigrés, met aussi les travailleurs turcs sur un pied d’égalité avec leurs collègues allemands. Les vagues d’immigration qui suivent sont plus complexes. Au début des années 80, ce sont surtout des intellectuels d’un âge avancé qui se réfugient en Allemagne et partout en Europe pour échapper au régime militaire. Quand l’impact de l’intervention militaire s’estompe, c’est au tour de la population kurde de frapper aux portes de l’Allemagne. Le manque de perspectives professionnelles en Turquie ainsi que la qualité de l’enseignement scolaire en Allemagne favorisent l’allongement de la durée du séjour. En 1983, le taux de chômage en Turquie est supérieur à 18%. Suivant cette logique, la moitié de la main d’œuvre arrivée entre 1961 et 1973 n’est pas rentrée en Turquie malgré la politique de retour adoptée en 1984 qui a tout de même vidé le pays de 300.000 travailleurs turcs pour la plupart en âge de la retraite. Dans les années 90, la perspective du retour dans le pays d’origine s’estompe surtout pour ceux qui sont nés en Allemagne mais aussi pour les plus âgés qui de plus en plus renoncent à l’illusion de passer la retraite au pays. Simples ouvriers au début, bien des immigrés sont entre-temps devenus des petits ou moyens entrepreneurs. Depuis le début des années 80, le nombre de Turcs qui travaillent à leur compte a fortement augmenté et est passé de 40.500 en 1995 à 55 200 en 1999.
Cultures, Identités et intégration : quelles perspectives ?
Au-delà de l’impact économique et démographique des populations immigrées se pose la question des possibilités d’intégration socio-culturelle et la question de l’interculturalité qui ont pris ces dernières années une importance croissante, notamment au niveau politique. La participation politique des étrangers aux affaires publiques est au cœur de ces questions. Bien que les autorités allemandes ne fussent pas préparées à l’arrivée massive des immigrés, le fédéralisme, la décentralisation et la liberté de décision aux niveaux politiques inférieurs ont facilité des solutions pragmatiques. Si dans les communes allemandes, il n’y a pas un droit de vote, il existe des conseils d’étrangers. Toutefois, 30% des Turcs ont l’intention de demander leur naturalisation pour profiter des avantages juridiques et surtout des possibilités de participation politique, preuve que ces conseils d’étrangers ne sont pas suffisants. Comme en Allemagne la base de la nationalité est le droit du sang, la grande majorité des immigrés turcs ne possède qu’un permis de séjour limité ou permanent. On discute encore de l’introduction d’une double nationalité que 62% de Turcs accepteraient. La majeure partie des citoyens allemands d’origine turque dit se sentir chez elle en Turquie comme en Allemagne mais seuls 29% approuvent l’actuel code de la nationalité et un quart d’entre eux souhaiteraient qu’une exception soit faite pour les premiers arrivants. Le problème linguistique touche pour l’essentiel les anciens « travailleurs hôtes » et les plus âgés qui ont une mauvaise connaissance de l’allemand et ne pourrait ainsi pas passer avec succès les tests de langue et de civilisation requis pour être naturalisé. Pour beaucoup, l’abandon de la nationalité turque reste un grand obstacle à la naturalisation. Par ailleurs, l’intégration politique et sociale des immigrés en Allemagne ne s’accompagne pas automatiquement d’une rupture des liens avec la Turquie et leur identité multiculurelle se maintient. En réalité, le débat sur la double nationalité est, dans les faits, dépassé : les personnes présentes ont une double identité et une double culture. On n’attend plus d’eux qu’ils renoncent à leurs racines.
En Allemagne comme en France, la société n’est pas homogène et ses membres jouent plusieurs rôles à la fois. Très concrètement, il faut tenir compte des caractéristiques individuelles car la problématique multiculturelle ne concerne pas seulement le domaine politique mais traverse tous les secteurs de la vie sociale et économique. Cette question n’est pas seulement multisectorielle mais globale. Le 21e siècle met en évidence une peur de ne pouvoir lier mondialisation et cohabitation entres les peuples et les cultures. Pourtant la mondialisation économique et les flux migratoires croissants amènent toujours plus de personnes à échanger, vivre et travailler avec d’autres personnes issues de contextes socioculturels différents.
Quelques événements prévus à Istanbul pour le cinquantenaire des accords entre la RFA et la Turquie
30 octobre :
Mise en place d’une plaque commémorative à la Gare de Sirkeci et ouverture du programme culturel avec le Ministre d’état aux affaires
étrangères Cornelia Pieper.
31.10.2011 - 02.11.2011
« Migration transnationale Allemagne-Turquie », conférence avec des politiques allemands et turcs à l’Université de Bilgi et organisée par l’Orient Institut Istanbul.
Lectures d’auteurs turcs avec la coopération de la Grande Mairie d’Istanbul et la Société des Chemins de Fer Turcs
A la Gare de Sirkeci, Eminönü :
01.11.2011, 18:00, Aras Ören
02.11.2011, 18:00, Zafer Senoçak, Selim Özdoğan
Au Goethe-Institut, İstanbul
04.11.2011, 19:00, Saliha Scheinhardt
20.10.2011 - 30.10.2011
Le Goethe-Institut projette une série de film intitulé L’autre regard/Der andere Blick/Karşıdan Bakış à Istanbul Modern
03 Novembre
« Migration et littérature : 50 ans de migration et ses conséquences en Allemagne et en Turquie », conférence à l’Université de Bilgi.