"Il faut s’unir contre la négation du génocide et non contre le Parlement Français
Il semble que de larges fractions de la population comprenant aussi bien les partis politiques AKP, CHP, MHP, que certains cercles et certaines corporations professionnelles ainsi qu’un nombre considérable d’intellectuels en Turquie se soient unies pour contester le vote du projet de loi pénalisant la négation du Génocide Arménien par l’Assemblée Nationale Française, une initiative qui a d’ailleurs été précédée par d’autres pays.
La négation du génocide sert le blanchiment d’un crime organisé et commis par le biais de l’Etat. Le négationnisme empêche de faire face à l’Histoire comme il empêche aussi de s’agenouiller devant la mémoire des victimes, de faire acte de contrition face aux descendants des victimes et de dire « plus jamais ça ». Elle constitue un moyen de renforcer les inégalités, les rapports de domination et la menace d’une violence latente.
C’est pour cela que l’Assemblée Générale des Nations Unies a approuvé la Convention pour la Prévention et la Répression du Crime de Génocide en décembre 1948 entrée en vigueur en janvier 1951. Depuis cette date la négation de la Shoah a été interdite dans de nombreux pays et pénalisée par une amende et une peine de prison. En 1990, la France a également adopté la Loi Gayssot pour punir le négationnisme de la Shoah.
La négation d’un génocide ne peut être interprétée comme relevant de la liberté d’expression, c’est au contraire une agression contre les descendants d’un peuple qui a subi un génocide et contre ceux qui font acte de contrition devant ce génocide ; Elle constitue un moyen puissant de perpétuer les conséquences du génocide et une invitation pour de nouveaux crimes contre l’Humanité.
C’est pourquoi, nous les soussignés, nous voulons avant tout que soit mis un terme à la politique de négationnisme présente dans tous les sphères de la vie en Turquie, qui blesse les consciences et offense sans cesse les victimes. [...]
Nous en tant que membres de l’Association des Droits de L’Homme et de la Commission contre le Racisme et les Discriminations, n’acceptons en aucun cas l’idée que la négation d’un crime contre l’humanité nommé génocide puisse être considérée comme l’aboutissement du droit et de la liberté d’expression et nous insistons sur notre opinion. [...]
De nos jours, le deuxième soutien des opposants qui contestent ce projet de loi du Parlement Français est la mémoire de Hrant Dink. Ce dernier s’était opposé en 2006 aux débats sur les projets de loi incriminant le négationnisme dans les parlements étrangers et à leur acceptation. Nous sommes persuadés que c’est une erreur absolue que de contester ce projet de loi en s’appuyant sur les opinions qu’exprimait Hrant Dink il ya quelques années, qui d’ailleurs a été abattu par la collaboration des foyers fascistes et les dispositifs de guerre spéciaux des appareils de l’Etat. Hormis le fait que personne n’est en mesure de prédire des années après ce qu’aurait pensé Hrant Dink aujourd’hui, nous sommes convaincus que le droit d’émettre un avis personnel sans subir d’influence pour toute personne qui défend la pensée indépendante constitue la base même de la liberté d’opinion que ces opposants défendent.
Pour conclure, nous invitons toutes les organisations non gouvernementales en particulier TOBB*, TÜSIAD**, les faiseurs d’opinion et les intellectuels à déployer leurs efforts pour que la société et l’Etat Turc reconnaissent le génocide Arménien, le génocide perpétré durant les mêmes années contre les Syriaques/Assyriens, le nettoyage ethnique commis dans son ensemble y compris envers les Grecs d’Anatolie au lieu de faire une campagne contre le Parlement Français qui ne sert qu’à renforcer la ligne suivie par l’Etat."
Signataires : Asude Kayaşmm Atilla Dirim, Atilla Tuygan, Ayþegül Devecioğlu, Ayşe Günaysu, Bilgin Ayata, Cemal Yardımcı, Cengiz Algan, Eren Keskin, Erol Özkoray, Ersin Salman, Halil Berktay, Laleper Aytek, Mehmet Atak, Mehmet Polatel, Sait Çetinoglu, Sebnem Korur Fincancı, Ülkü Özakın, Ümit Izmen