L’Arménie n’est pas oubliée par la Saison de la Turquie.
Dans son article publié dans Le Monde du 5 septembre, Ara Toranian s’en prend à la Saison de la Turquie en France (série de grands événements culturels, scientifiques et économiques, qui se dérouleront jusqu’au mois de mars 2010), de façon quelque peu excessive et aussi, disons-le, intellectuellement malhonnête.
« On cherchera en vain, dit-il, la moindre allusion au premier génocide du XXe siècle. » « Un silence, ajoute-t-il, systématique et complaisant. » Sur ce point, la réponse est aisée : il y a « plus que des allusions ». Lors du colloque qui s’est tenu le 11 juillet dernier à l’Ecole normale supérieure sur l’Alliance des civilisations et l’Union pour la Méditerranée, Ali Bayramoglu, un des initiateurs de la pétition dite du « pardon » aux Arméniens et dont parle M. Toranian, a clairement utilisé le terme de génocide lorsque la question de l’Arménie a été évoquée.
Ne serait-ce qu’aux mois de septembre et octobre, plusieurs événements de la Saison de la Turquie en France seront l’occasion de débats ouverts sur l’histoire de la Turquie. Ainsi, l’une des trois sessions de « Médias français et médias turcs : quels tabous ? », qui aura lieu le 26 septembre, porte sur les tabous de la mémoire. Le 21 septembre, aura lieu au Centre du patrimoine arménien de Valence, un débat qui permettra au public de rencontrer Michel Marian et Ahmet Insel (autre initiateur de la pétition demandant pardon aux Arméniens), coauteurs d’un Dialogue sur le tabou arménien qui sort ces jours-ci chez Liana Levi.
« L’amnésie organisée, ajoute M. Toranian, va jusqu’à l’effacement des caractéristiques arméniennes de la Turquie. » Ceci n’est pas correct. Ainsi, le colloque, prévu en février à la Bibliothèque nationale de France abordera le livre arménien dans l’Empire ottoman.
Dans le domaine littéraire, Orhan Pamuk et Elif Safak, dont on connaît les prises de position, participeront à diverses manifestations. Dans le domaine de l’art, le photographe Ara Güler, « le Cartier-Bresson d’Istanbul », qui revendique son arménité, a reçu le 8 septembre la médaille de vermeil de la Ville de Paris et la Maison de la photographie lui rend hommage jusqu’au 11 octobre.
Est-il vrai que, toujours d’après M. Toranian, les autres problèmes qui « noircissent » l’image de la Turquie ne seraient pas davantage évoqués, comme la question chypriote. C’est faire peu de cas du débat, organisé le 11 octobre à l’Université de tous les savoirs, entre Ilker Turkmen, ancien ministre turc des affaires étrangères, et Georges Vassiliou, ancien président de la République de Chypre ?
La Saison de la Turquie en France a accordé une large place aux intellectuels turcs, dont certains ont d’ailleurs été signataires de la pétition mentionnée par M. Toranian. Ainsi, Cengiz Aktar, qui fut à l’origine de la pétition, est le chargé de mission de la Saison de la Turquie pour la partie débats d’idées.
La Saison de la Turquie en France est conçue comme une invitation au dialogue et aux échanges. Riche de centaines de manifestations à travers notre pays, elle doit être l’occasion de montrer la Turquie d’hier, d’aujourd’hui et de demain, dans toute sa diversité. C’est ainsi que la Saison de la Turquie a été préparée, en tenant compte de l’histoire, de toute la diversité et de toutes les complexités de la Turquie d’aujourd’hui.
Stanislas Pierret est commissaire général de la Saison de la Turquie en France
Olivier Poivre d’Arvor est directeur de Cultures France