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Nilüfer Göle : « La Turquie entre Orient et Occident »

vendredi 29 mai 2009, par Bérangère Barret

Propos recueillis par Bérangère Barret

Nilufer Göle, née en Turquie, est professeur à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris, et auteur d’essais sur l’islam et l’Europe. Elle évoquera ce thème aujourd’hui à la gare Saint-Sauveur.

Vous êtes aujourd’hui directrice des études à l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales). Quel a été votre parcours avant cela ?

Je suis née en Turquie. J’y ai mené mes études de sociologie, à Ankara. Ensuite j’ai fait ma thèse en France, à l’EHESS. Mais je ne suis pas du tout un produit francophone, je suis un produit de la République turque, une formation laïque. Mais j’ai voulu étudier le français, qui me passionnait. Après ma thèse je suis retournée en Turquie pendant 15 ans. Puis depuis 2001, je suis revenue en France, comme professeur et directeur des études à l’EHESS.


D’où vous est venue cette passion pour la France ?

Elle est née quand je suivais mes études en sciences sociales. Les penseurs d’origine française m’intéressaient davantage. Derida, Deleuze, Bourdieu… La France me paraissait comme un centre d’attraction intellectuelle, de complexité, de nuances, d’ironie de la pensée, et aussi cette manière d’écrire qui est à la fois littéraire et analytique.
Alors c’est vrai que quand je n’écris pas en français j’ai l’impression d’appauvrir ma pensée.


Vous vous sentez aussi française que turque ?

Oui, par adoption. Mon appartenance à la France est un peu comme le désir de la Turquie par rapport à la France et à l’Union européenne, c’est-à-dire qu’il n’est pas forcé.


Comment s’explique l’attachement de la Turquie à la France ?

Déjà sous l’Empire ottoman, les jeunes turcs venaient étudier en France, pays qui a joué un rôle très important dans la conception des idées qui ont façonné la Turquie moderne. Comme l’idée de la laïcité par exemple.


Comment définiriez-vous la Turquie aujourd’hui ?

Elle s’est orientée vers le monde occidental, européen en particulier. Elle pensait que son adhésion à l’UE était une étape normale. Et elle a tourné le dos au monde arabe. Mais aujourd’hui, elle se découvre dans sa région, avec son héritage musulman. On peut découvrir la Turquie aujourd’hui comme médiateur entre les deux mondes, occidental et oriental.

La Turquie est européenne ?

Pas forcément. L’européanité de la Turquie pose problème. Ce n’est pas aussi naturel que l’européanité des Polonais, par exemple.

Comment réagissez-vous personnellement face à la réticence de certains Européens concernant l’adhésion de la Turquie ?

En tant qu’Européenne je réagis avec beaucoup de frustration et de critique parce que je pense que l’Europe doit répondre aux enjeux de notre siècle. Et à mon avis, l’enjeu contemporain est de créer la paix. Pas la paix entre la France et l’Allemagne comme ce fut le cas autrefois, mais avec le monde du Moyen-Orient et l’islam. Or aujourd’hui, les hommes et femmes politiques de l’Europe, M. Sarkozy, Mme Merkel entre autres, me semblent être dans une stratégie plus nationaliste qu’européenne. Rencontre ce jeudi à 15 h à la Gare Saint-Sauveur sur L’islam et l’Europe, avec Nilüfer Göle.

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Sources

Source : Nord Eclair, le 21.05. 2009

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