Pour sceller l’année scolaire, près de 1,4 million de lycéens ont planché, dimanche 14 juin, sur l’examen national d’entrée à l’université (ÖSS). A la rentrée, la moitié d’entre eux obtiendront une place dans un établissement universitaire. Mais pour la plupart des candidats, la réussite à cet examen n’offre plus la même garantie que par le passé : « Même avec un diplôme, plus personne n’est à l’abri du chômage », constate Ece, une étudiante d’Istanbul.
La crise économique se manifeste en Turquie par une hausse brutale du chômage. Selon les statistiques officielles publiées lundi par le ministère de l’économie et l’Institut national des statistiques, le taux de sans-emploi s’est établi à 15,8 % de la population active pour la période allant de février à avril. Un recul symbolique : au premier trimestre, le taux de chômage avait atteint un niveau record de 16,1 %.
En quelques mois, le nombre de chômeurs est passé de 2,5 millions à près de 4 millions. Le ratio était de 11,9 % début 2008. Hors secteur agricole, il atteint près de 20 %. Une tendance qui devrait persister. Selon une étude récente du Centre de recherches économiques et sociales de l’université Bahçesehir d’Istanbul, la hausse du chômage continuera jusqu’en 2012, pour atteindre près de 19 % et 4,6 millions de chômeurs déclarés.
UN PROBLÈME STRUCTUREL
Parmi ces nouveaux chômeurs, les moins de 25 ans sont en première ligne : 28,5 % d’entre eux sont sans emploi, alors qu’ils n’étaient que 17 % au début de la crise financière. Dans les villes turques, un jeune sur trois se retrouve écarté du marché du travail. Fait nouveau, les étudiants issus de l’enseignement supérieur ne sont pas épargnés : ils représentent 18 % du total. D’ailleurs, les sites Internet de petites annonces ciblant les jeunes diplômés se multiplient.
Sous l’effet de la crise, l’économie locale a perdu de son dynamisme. La croissance, encore de 4,7 % en 2007, pourrait s’établir autour de - 5,1 % en 2009, selon les prévisions du Fonds monétaire international (FMI). L’industrie tourne au ralenti, conséquence de la baisse des exportations et de la consommation intérieure.
La plus grande peur des jeunes turcs est de perdre son emploi ou de ne pas en trouver, comme le prouve une enquête de l’Association des jeunes entrepreneurs d’Ankara (Angiad). Face à cette incertitude, de plus en plus de jeunes diplômés se tournent vers l’étranger ou le service militaire de longue durée, comme l’a révélé fin mai le ministre de la défense, Vecdi Gönül.
La crise, seule, ne suffit pas à expliquer cette évolution. « Il y a un problème structurel de chômage. La population active très élevée, cela renforce l’impact de la crise globale », note Erol Katircioglu, directeur du département d’économie à l’université de Bilgi, à Istanbul. Avec une population dont la moitié est constituée de jeunes de moins de 28 ans, et, chaque année, de centaines de milliers de nouveaux entrants sur le marché du travail, la Turquie ne parvient plus à créer suffisamment d’emplois.
Certains économistes craignent un chômage élevé de longue durée, avec un risque de tensions sociales. « La société turque est différente sur ce point des sociétés européennes, note M. Katircioglu. Le pouvoir des syndicats est faible et les révoltes sociales sont plus liées à des questions politiques. »