La Saison culturelle turque en France est incertaine
Guillaume Perrier
18.06.2009
A deux semaines de son lancement officiel, la plus grande incertitude plane sur la Saison culturelle de la Turquie, une série de plus de 400 événements organisés dans toute la France, à partir du 1er juillet. Signe des tensions diplomatiques entre les deux pays, le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, vient en effet de menacer de tout annuler à la dernière minute.
« Je réfléchis à la question. Faut-il y aller ou pas ? », a-t-il déclaré dans une interview diffusée par la chaîne NTV. « (Nicolas) Sarkozy regrettera ce qu’il a fait, tôt ou tard. Nous avions des contacts avec l’ancien président Jacques Chirac et nous n’avons jamais perçu une telle attitude chez lui », a poursuivi M. Erdogan, ulcéré par la campagne menée en France, avant les élections européennes, contre l’entrée de la Turquie dans l’UE. Le président Abdullah Gül a, quant à lui, annulé, lundi 15 juin, un dîner d’hommes d’affaires destiné à boucler le financement de la Saison turque.
« Nous attendons des éclaircissements de la part du gouvernement. Sans argent, on ne peut rien faire », s’inquiète Özlem Ece, de la Fondation d’Istanbul pour la culture et les arts, qui coordonne les projets côté turc. A Paris, le commissaire français de la Saison, Stanislas Pierret, se refuse à tout commentaire. « Nous continuons à travailler. Les collectivités locales sont très impliquées », dit-il.
Depuis le départ, « la Saison turque en France est vécue comme un cadeau empoisonné de (Jacques) Chirac à (Nicolas) Sarkozy », estime Dorothée Schmid, responsable de l’Observatoire de la Turquie contemporaine à l’Institut français de relations internationales (IFRI). Dans un contexte tendu entre les deux pays, Paris aurait tenté de minimiser la portée de l’événement. « On a un mal fou, en France, à organiser un débat sain sur la Turquie, poursuit-elle. Et certains grands patrons qui sponsorisent le programme ont un peu l’impression que le président de la République les envoie au casse-pipe. »
LE FINANCEMENT MANQUE
Si bien qu’à deux semaines du lancement, le financement n’est pas encore assuré, confirme un observateur. « Il y a beaucoup de projets, mais mal préparés, mal coordonnés et la communication entre les deux parties est mauvaise », poursuit-il. La présence d’officiels turcs pour l’inauguration n’est pas certaine. La Saison turque, cofinancée par les deux pays et des compagnies privées, a déjà connu d’autres déconvenues. A la demande de Paris, elle a été repoussée de mars à juillet, pour cause d’élections européennes. Et le Salon du livre, qui devait être consacré à la Turquie, en 2010, a changé d’avis, trouvant le thème trop risqué.
Ankara dément l’annulation de la « Saison de la Turquie en France »
AFP
19.06.2009
La « Saison de la Turquie en France » aura bien lieu, a assuré jeudi soir le ministère turc des Affaires étrangères après des déclarations et l’annulation d’une importante réunion par Ankara qui ont laissé planer le doute sur le lancement de cette série de manifestations culturelles.
« Les articles publiés ces derniers jours dans certains journaux sur une annulation de la +Saison de la Turquie en France+ ne reflètent aucune réalité », a affirmé le ministère dans un communiqué.
Il a ajouté que l’ouverture de la « Saison » aurait lieu le 30 juin à Paris en présence des ministres français et turc de la Culture, respectivement Christine Albanel et Ertugrul Günay.
La semaine dernière, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, exaspéré par l’opposition du président français Nicolas Sarkozy à l’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, réaffirmée durant la récente campagne des élections européennes, s’est interrogé sur l’avenir de la « Saison ».
« D’un autre côté, ils nous demandent quelque chose comme des journées de la Turquie en France. Moi, en ce moment, je réfléchis sur la question, est-ce qu’il faut le faire ou pas, y aller ou pas », a-t-il déclaré lors d’un entretien télévisé.
« J’ai dit à mes amis : évaluons la question. Parce qu’avec une direction qui a une telle approche de la Turquie, qu’est-ce qu’on peut faire sur un tel sujet ? », a-t-il poursuivi, selon une retranscription par l’agence de presse Anatolie.
Lundi, le président turc Abdullah Gül a fait annuler un dîner avec quelque 200 hommes d’affaires qui devait avoir lieu deux jours plus tard et devait servir à rassembler des fonds pour boucler le budget de la « Saison ».
Près de 400 activités culturelles, scientifiques et sociales sont programmées dans le cadre de la « Saison de la Turquie en France », qui doit se tenir dans une quarantaine de villes françaises du 1er juillet 2009 au 31 mars 2010.
La Turquie a entamé en octobre 2005 des négociations d’adhésion avec l’UE.