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Musulmans et Occidentaux : quelles fractures ?

mercredi 5 juillet 2006

Suite à la publication d’une étude menée par l’Institut Pew sur les représentations respectives des Musulmans et des Occidentaux, Turquie Européenne publie ici la somme de trois articles dont les approches et conclusions diffèrent quant à la question des relations entre les deux « civilisations ». Questions intéressantes et remise en cause d’une prétendue « objectivité » des données chiffrées des sondages et autres études.

- TE

WASHINGTON (AP) — Les musulmans considèrent les occidentaux, notamment aux Etats-Unis et en Europe, comme des personnes égoïstes, immorales et avides. De leur côté, les Européens et Américains jugent les musulmans arrogants, violents et intolérants.

Le profond fossé entre musulmans et occidentaux est clairement illustré dans une enquête rendue public jeudi par l’Institut Pew et réalisée dans une quinzaine de pays.

L’immense majorité des personnes sondées, à la fois en Europe et au Moyen-Orient, estiment que les relations entre les deux civilisations sont généralement mauvaises. Alors qu’ils sont 55% à penser ainsi aux Etats-Unis, c’est le cas de 70% des personnes interrogées en Allemagne, 66% en France et 61% en Espagne et Grande-Bretagne. Et chaque partie du monde blâme l’autre.

« Dans les pays occidentaux, on en attribue la responsabilité aux musulmans », constate le directeur de l’institut, Andrew Kohut. « Dans les pays musulmans et au sein des minorités musulmanes en Europe, les Occidentaux sont pointés du doigt ».

Seuls 29% des Espagnols ont une vision positive des musulmans, alors que ce chiffre grimpe à 65% en France, 63% en Grande-Bretagne et 59% en Allemagne. Aux Etats-Unis, il est de 54%.

Plus surprenant, une large majorité d’Indonésiens (65%), de Turcs (59%), d’Egyptiens (59%) et de Jordaniens (53%) disent ne pas croire que les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis aient été commis par des Arabes. A cette question, en France, les musulmans se divisent en deux : 48% répondent oui, 45% non.

Mais le soutien au terrorisme recule dans certains pays. En Indonésie, au Pakistan et Jordanie, de moins en moins de personnes considèrent que les attentats-suicides peuvent se justifier. Presque partout à l’exception du Nigeria, les musulmans interrogés ne font pas confiance à Oussama ben Laden.

Le sondage fait apparaître que « les musulmans britanniques sont les plus radicalisés (dans leur rejet des Occidentaux), les musulmans français les plus tempérés », note Andrew Kohut.

Ce sondage a été réalisé en avril et mai dans quinze pays auprès d’échantillons allant de 900 à 2.000 adultes. Il a une marge d’erreur de deux à six points. Liste des pays où il a été mené : Chine, Egypte, France, Allemagne, Grande-Bretagne, Inde, Indonésie, Japon, Jordanie, Nigeria, Pakistan, Russie, Espagne, Turquie et Etats-Unis.

Sur Internet : www.people-press.org
AP

22/06/2006


Les musulmans et l’Occident, une cohabitation impossible ?

La montée de l’extrémisme et de l’intolérance fait le lit du terrorisme et élargit le fossé entre les populations musulmanes et les Occidentaux. La normalisation des relations paraît bien difficile, mais une sorte de synthèse pourrait s’opérer en Europe même, estime The Economist.

« Les Occidentaux et les musulmans à travers le monde ont des perceptions radicalement différentes des événements qui les entourent. Chacun de ces deux groupes a tendance à voir l’autre comme étant violent, intolérant et irrespectueux à l’égard des femmes », annonce l’International Herald Tribune, s’appuyant sur les résultats d’une enquête internationale menée par Pew Global Attitudes Project en avril-mai 2006 auprès de 14 000 personnes dans treize pays : Royaume-Uni, Egypte, France, Allemagne, Inde, Indonésie, Jordanie, Nigeria, Pakistan, Russie, Espagne, Turquie et Etats-Unis. Les communautés musulmanes vivant dans les pays européens ont été interrogées pour la première fois en tant que groupe à part, précise le quotidien américain édité à Paris.

Après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 contre New York et Washington, « les douze derniers mois ont vu des explosions à Londres, des émeutes en France menées par des jeunes sans emploi et majoritairement musulmans, un tollé de protestations à l’encontre des caricatures du prophète Mahomet publiées au Danemark... et aucune accalmie dans la guerre en Irak. » Une suite d’événements qui conduit la majorité des personnes vivant aux Etats-Unis, en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient à qualifier les relations entre musulmans et Occidentaux comme étant plutôt mauvaises, poursuit le journal.

Résultats non uniformes

« Toutefois, les résultats ne sont pas uniformes et recèlent quelques surprises. Le soutien au terrorisme est en baisse dans certains pays musulmans, notamment en Jordanie, où une attaque terroriste a fait plus de 50 morts à Amman en novembre 2005. Les deux tiers de l’opinion publique en France expriment une vision positive des musulmans, et la communauté musulmane vivant dans ce pays a une approche favorable des chrétiens et des juifs. Les musulmans vivant en Europe sont moins convaincus de la validité du ’choc des civilisations’ que ne le sont les musulmans vivant ailleurs ou le grand public en Europe. Mais le résultat le plus surprenant est le fait que la majorité des personnes interrogées en Egypte, en Indonésie, en Jordanie et en Turquie - des pays musulmans qui entretiennent des liens très étroits avec les Etats-Unis - ne croient pas que ce sont des Arabes qui ont perpétré les attentats du 11 septembre », détaille le journal.

Pour les musulmans, la dégradation des relations avec l’Occident s’explique par différentes raisons, allant des divergences concernant les valeurs morales à l’impact des médias. Mais le conflit israélo-palestinien et la politique de deux poids, deux mesures à l’égard du terrorisme en sont les causes principales, poursuit l’International Herald Tribune. « Toutefois, certains musulmans dénoncent également la corruption dans leur propre pays. Pour les Occidentaux, ce sont le fanatisme islamique, une éducation déficiente et l’absence de démocratie qui seraient à l’origine des mauvaises relations avec les musulmans. »

Le sondage illustre les difficultés d’intégration des communautés musulmanes en Europe. Mais The Economist reste confiant : « Contrairement aux craintes qui agitent les deux rives de l’Atlantique, l’intégration des musulmans d’Europe est faisable. »

Le magazine britannique liste les « arguments habituels » qui vont à l’encontre de son affirmation : « La stagnation en Europe ne génère pas d’emplois pour les immigrés, l’Europe endormie est incapable de sévir contre l’extrémisme islamo-fasciste, l’Europe laïque n’arrive pas à s’accommoder de la religiosité. L’Europe aurait besoin de s’inspirer du modèle américain, où les musulmans s’en tirent mieux. » D’ailleurs, aux Etats-Unis, « l’Europe est de plus en plus perçue sous un aspect caricatural appelée ’Eurabia’ », souligne l’hebdomadaire.

« Est-ce que l’Eurabia est vraiment quelque chose d’inquiétant ? Ce concept inclut une kyrielle de mythes et quelques vérités », écrit The Economist. Les mythes découlent de la puissance de l’islam en Europe. L’Union européenne abrite quelque 20 millions de musulmans, soit 4 % de la population. Mais ils ne forment pas un groupe homogène et derrière ces chiffres se cache une grande diversité : « Les musulmans d’Asie du Sud qui vivent au Royaume-Uni ont plus de choses en commun avec les Britanniques qu’avec les migrants d’Afrique du Nord vivant en France ou qu’avec les Turcs d’Allemagne. »

Compte tenu de cette variété, le mythe le plus dangereux serait de croire qu’il existe une solution unique pour faciliter l’intégration des musulmans en Europe. En revanche, « l’importance du travail est du même ordre partout. L’intégration des communautés musulmanes passe dans tous les cas par l’emploi. L’autre élément commun est que l’avenir des musulmans en Europe repose sur les jeunes : le quart des femmes d’origine musulmane en France sont mariées à des non-musulmans. Au Royaume-Uni, les jeunes musulmans fréquentent en masse les universités, et sont même en train de faire leur entrée dans les bastions réservés aux Blancs, comme le Parti conservateur. »

Après ces constats, The Economist fait preuve d’optimisme quant à la réussite de l’intégration des musulmans, même si cela représente une tâche ardue. « En tout cas, pour le moment, la perspective pessimiste véhiculée par le mot Eurabia semble bien alarmiste. »

- Hoda Saliby, le 26/06/2006

Source : Courrier International


Sondage Pew sur : Les opinions des Musulmans

par Daniel Pipes - 27 juin 2006

How do Muslims worldwide think ?

Pour le savoir, le Pew Research Center for the People & the Press (Centre de recherche Pew pour le public et les médias) effectua ce printemps un vaste sondage intitulé « The Great Divide : How Westerners and Muslims View Each Other » (Le grand fossé : comment se voient les Occidentaux et les Musulmans). Le Centre Pew interrogea des Musulmans dans deux types de pays : six d’entre eux ont une population à majorité musulmane de longue date (Égypte, Indonésie, Jordanie, Nigéria, Pakistan et Turquie) et quatre autres, situés en Europe occidentale, ont des populations musulmanes minoritaires (France, Allemagne, Grande-Bretagne et Espagne).

Ce sondage, qui examine également les opinions occidentales sur les Musulmans, livre des résultats consternants sans être vraiment surprenants. On peut les classer en trois rubriques.

Propension au conspirationnisme. Aucune des populations musulmanes interrogées ne pense en majorité que des Arabes ont perpétré les attentats du 11 septembre 2001 en Amérique. Les taux de Musulmans rendant des Arabes responsables s’étendent de 15% seulement au Pakistan à 48% parmi les Musulmans français. Le pourcentage de Turcs qui incriminent les Arabes est tombé de 46% en 2002 à 16% aujourd’hui, ce qui confirme des tendances négatives apparues récemment. En d’autres termes, dans chacune de ces dix communautés musulmanes, une majorité de gens considèrent les attentats du 11 septembre comme une supercherie mise en scène par le gouvernement américain, par Israël ou par quelque autre agence.

De même, les Musulmans sont nombreux à nourrir des préjugés contre les Juifs, de 28% d’avis défavorables parmi les Musulmans français à 98% en Jordanie (où, si la monarchie est modérée, la population est majoritairement arabo-palestinienne). En outre, les Musulmans de certains pays (surtout l’Égypte et la Jordanie) considèrent les Juifs comme des conspirateurs, responsables des mauvaises relations entre Musulmans et Occidentaux.

Les théories conspirationnistes portent également sur des thèmes plus larges. À la question « qui est responsable au premier chef pour le manque de prospérité des nations musulmanes ? », entre 14% (au Pakistan) et 43% (en Jordanie) accusent la politique de l’Amérique et des autres états occidentaux plutôt que des problèmes locaux tels que le manque de démocratie, les lacunes de l’éducation, la corruption ou l’Islam radical.

Ce conspirationnisme révèle un refus très répandu au sein de la oumma de faire face aux réalités, une préférence pour les clichés confortables des complots, des manigances et des intrigues. Il met aussi en lumière des problèmes majeurs d’adaptation à la modernité.

Soutien au terrorisme. Toutes les populations musulmanes sondées affichent de solides soutiens à Ben Laden. À la question de savoir s’ils ont confiance en lui, les Musulmans sont entre 8% (en Turquie) et 72% (au Nigéria) à répondre par l’affirmative. Les attentats-suicide à l’explosif sont populaires aussi : les Musulmans sont entre 13% (en Allemagne) et 69% (au Nigéria) à les juger justifiés. Ces chiffres épouvantables indiquent que le terrorisme a de profondes racines parmi les Musulmans et restera un danger pour de longues années encore.

Les Musulmans britanniques et nigérians sont les plus fortement aliénés. La Grande-Bretagne présente une image très paradoxale. Les non-Musulmans y ont des opinions remarquablement plus favorables sur l’Islam et les Musulmans que partout ailleurs en Occident ; ainsi, seuls 32% des Britanniques interrogés jugent l’Islam violent, soit sensiblement moins que les personnes sondées en France (41%), en Allemagne (52%) ou en Espagne (60%). Dans le débat sur les caricatures de Mahomet, les Britanniques montrèrent plus de sympathie pour le point de vue musulman que les autres Européens. D’une manière plus générale, les Britanniques reprochent moins aux Musulmans d’être responsables des piètres relations entre Occidentaux et Musulmans.

Mais en contrepartie, les Musulmans britanniques affichent l’attitude antioccidentale la plus prononcée d’Europe. Ils sont en effet beaucoup plus nombreux que leurs coreligionnaires de France, d’Allemagne et d’Espagne à juger les Occidentaux violents, avides, immoraux et arrogants. De plus, leurs opinions sont nettement plus extrêmes au sujet des Juifs, de la responsabilité des attentats du 11 septembre ou de la place de la femme dans les sociétés occidentales.

Cette situation britannique reflète le phénomène du « Londonistan », où les Britanniques pratiquent une politique de reculade préemptive - une faiblesse à laquelle les Musulmans répondent par un regain d’agressivité.

Les Musulmans nigérians expriment généralement les opinions les plus belliqueuses sur des questions comme l’état des relations entre Occidentaux et Musulmans, l’immoralité et l’arrogance supposées des Occidentaux et le soutien en faveur de Bin Laden et du terrorisme suicidaire. Cet extrémisme résulte sans doute de la violence caractérisant les relations actuelles entre Chrétiens et Musulmans au Nigéria.

Paradoxalement, l’aliénation des Musulmans est la plus marquée dans les pays où les Musulmans sont soit le mieux, soit le plus mal acceptés. La bonne solution semble donc consister en un moyen terme, où les Musulmans ne jouissent pas de privilèges spéciaux, comme en Grande-Bretagne, et ne sont pas non plus confrontés à un stade avancé d’hostilité, comme au Nigéria.

Dans l’ensemble, le sondage de Pew émet un message de crise incontestable s’étendant d’un bout à l’autre du monde musulman.

http://www.JewishWorldReview.com |

(S.Pilczer/ JewishWorldReview) ajouté le 28-6-2006

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