On peut se demander si les politiciens turcs jetant, de temps à autre, un �il à la structure démographique de la population turque, tiennent des séances destinées à formuler des politiques concernant l’avenir du pays. Avec quelle fréquence cette idée d’inventer l’avenir s’impose-t-elle à leurs configurations mentales ? Quels seront les facteurs d’évolution déterminants de la Turquie sur les 25 ans à venir ?
En tout premier lieu, bien entendu, le capital humain constitué par la société. La répartition de la population turque selon les groupes d’âge fera partie des éléments déterminants sur le prochain quart de siècle.
En gros, ce sont 20 % de la population qui ont moins de 10 ans. C’est un groupe qui d’ici 10 ans commencera à rentrer sur le marché du travail comme à peser dans le corps électoral. La répartition par groupes d’âge de la population montre et ce, particulièrement en ce qui concerne les tranches les plus jeunes, que dans chaque classe d’âge se trouvent en moyenne 1.3 millions de personnes.
La tâche à plus forte valeur ajoutée que l’on puisse mener dès aujourd’hui dans le sens d’un investissement sur l’avenir c’est de faire des budgets de l’éducation et de la formation une priorité. ET il appartient non seulement à l’Etat mais aux entreprises privées d’y contribuer avec un sens élevé de leurs responsabilités sociales.
Pourquoi est-ce si important ? Ce sont les indicateurs démographiques de l’UE pour les 25 ans à venir qui rendent compte de la situation.
D’après les données de 2004 concernant la répartition entre groupes d’âge, alors que 65% de la population de l’UE a moins de 49 ans, c’est 81% de la population turque qui se trouve en-dessous de cette limite. L’indicateur déterminant en ce qui concerne les prévisions reste la proportion des moins de 24 ans : soit 29,1 % dans l’UE et 44,9 % en Turquie.
A mesure que la population européenne vieillit, c’est la main d’�uvre qualifiée qui diminue et les systèmes de protection sociale qui s’engorgent. Les géants européens que sont la France et l’Allemagne peinent à solutionner ces problèmes par voie budgétaire.
« Une étoile montante ? »
Dans les 25 années qui viennent, alors que ces problèmes vont s’aggraver en Europe, si la Turquie est capable d’investir sur l’avenir, ce ne sera pas une surprise de la voir figurer parmi les étoiles montantes non seulement en Europe mais dans le monde entier. Un investissement réalisé dès aujourd’hui sur le capital humain est bien plus important encore que les investissements en capital fixe matériel. Un tel investissement devrait également contribuer à atténuer d’importants problèmes sociaux comme celui de l’exode ou de l’émigration.
Une population jeune désigne aussi, dans un sens, un groupe capable d’apprendre et de s’adapter aux nouveaux moyens de communication et d’accès à la connaissance. Chaque année, c’est un groupe de 1,3 millions de jeunes gens qui rentre, même indirectement, en politique. C’est à dire que par an ce sont 1,3 millions de personnes qui s’agrègent à un électorat véritable facteur central en politique. Ce sont aussi ces nouvelles générations qui, comme en économie, pèseront de plus en plus sur l’ensemble des tendances propres aux « ménages ».
Quant aux politiciens, pourront-ils toujours prétendre mesurer le pouls du pays dans les cafés ? Nous leur conseillerions bien de laisser tomber le café du commerce pour se pencher sur les études statistiques !
© Radikal, le 16/01/2006