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France, Turquie : perdants-perdants

mercredi 12 mars 2008, par Marc Bernardin

- Marc Bernardin, ancien représentant d’une importante société française en Turquie, est chargé de cours à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).

Les relations bilatérales entre la France et la Turquie sont mauvaises, et il semble qu’elles n’iront pas en s’améliorant. Il y a cinq ans, la France apparaissait comme le meilleur ami de la Turquie. Le président Chirac se présentait en défenseur de sa candidature. Le changement est complet. Le président Sarkozy, mû par une conviction personnelle profonde (L’Europe chrétienne) ou par un souci électoraliste, mène une politique clairement hostile aux négociations ouvertes avec la Turquie en vue d’une adhésion. La Turquie est le bouc émissaire, parfait comme pays de transfert de tous les sentiments et préjugés avoués et inavoués d’un électorat miné par la globalisation et le « déclinisme ».

La Turquie connaît, elle aussi, des difficultés intérieures : la montée du nationalisme alimentée par le retour du terrorisme kurde, la mise en cause d’une partie de l’héritage kémaliste, les effets de la mondialisation et de longues négociations avec l’UE accompagnées d’une demande de réformes à faire accepter par l’opinion publique. Cette situation fait naître des frustrations qui se concentrent tout naturellement sur la France, qui multiplie les marques d’hostilité. On citera la substitution, dernièrement, de « négociations intergouvernementales » aux « négociations d’adhésion » ou la réduction de la « saison turque » prévue en 2009. La France est, elle aussi, un bouc émissaire idéal : le ressentiment des élites francophones ou francophiles est à la hauteur de l’influence culturelle, politique et historique de la France.

Cet antagonisme n’est pas sans conséquence sur ce qui est la substance des relations bilatérales, les relations économiques. Bien sur, Renault, Carrefour et autres pourvoyeurs d’emplois en Turquie ne vont pas fermer leurs portes, mais les affaires à venir sont influencées par cette situation. En premier lieu dans le secteur public turc, les chances d’Areva, de GDF, des industries d’armement, d’emporter des contrats sont devenues très minces ; dans d’autres secteurs publics, les Français devraient se masquer, s’associer avec d’autres pays ou être sous-traitants. Le secteur privé pourrait lui aussi suivre ce désintérêt et s’orienter vers des partenaires concurrents de la France mieux disposés, du moins officiellement. La présidence française de l’UE, au 1er juillet, est pressentie comme un temps d’aggravation de la crise. La Turquie, dans une conjoncture européenne dominée par la France, pourrait être déstabilisée dans ses équilibres extérieurs. Cela ferait naître une situation de « perdants-perdants », grave non seulement pour elle et la France, mais aussi pour l’UE.

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Sources

Source : « Libération », 4 mars 2008.

http://www.liberation.fr/rebonds/31...

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