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Quelque chose de Byzance : cinq bonnes raisons d ’aller à Istanbul

mercredi 26 mars 2008, par Aurélie Louchart

Au-delà des kebabs, des hommes à moustaches et du film ‘Midnight Express’, Istanbul recèle de nombreuses richesses. Difficile de distinguer cinq raisons parmi toutes celles qui nous poussent à nous rendre encore et encore dans la cité millénaire. Mais puisqu’il faut choisir…

Son ancrage dans l’histoire

Byzance, Constantinople, Istanbul… D’emblée, les changements de patronymes laissent entrevoir le trépidant passé de cette ville bâtie à la charnière de deux continents. De sa fondation en 657 avant J.-C. (quatre siècles avant Paris) à aujourd’hui, elle a été capitale des empires romain, byzantin et ottoman, centre spirituel de premier ordre pour les chrétiens puis les musulmans et lieu d’intrigues multiples et variées. Elle en a vu des choses cette vieille dame. Tout, à Istanbul, est empreint d’histoire. Mais rien n’est figé. Contrairement à beaucoup d’autres villes importantes, la belle Stambouliote a su écrire de grandes pages sans sombrer dans la nostalgie d’une splendeur révolue. La cité regarde vers ses nouveaux chapitres. Après la modernisation par Atatürk, l’Union européenne, peut-être ? Dans ce marathon-là, Istanbul joue clairement le rôle de moteur du pays. Dans la ville, chacun a son opinion sur la question : faut-il ou non entrer dans l’Europe ? Vont-ils nous accepter ? Un intérêt logiquement vif dans la cité la plus occidentale de Turquie.

Son ambiance unique

De cette richesse historique résulte une ambiance singulière. Une ville entre tradition et modernité. Des coupures d’électricité à répétition dans le vieux quartier de Sultanahmet, des muezzins qui chantent la grandeur de Dieu à 5 heures du matin, des chats qui se promènent jusque dans Sainte-Sophie sous l’oeil bienveillant de l’ensemble de la population... Istanbul, c’est aussi une passion pour le football et le backgammon, un regard amusé sur les touristes persuadés que tous les Turcs s’habillent en derviches tourneurs, une envie de croissance économique et des klaxons qui retentissent à qui mieux mieux. C’est la ville la plus laïque du pays ; mélange hétéroclite des genres, les habitudes vestimentaires oscillent entre tradition et modernité, du voile traditionnel à l’universel jean-baskets. On achète des épices comme des téléphones portables et des téléphones portables comme des épices. Lorsqu’on est touriste, on négocie. En quelques phrases, la barrière commerciale tombe et la chaleur méridionale apparaît. On rit alors de bon cœur avec un vendeur qui admet sans difficulté que jamais, à part s’il tombe malade, un Turc ne boirait le thé servi aux vacanciers. La descendance de Byzance offre une atmosphère inimitable.

Ses monuments

Cette ambiance résulte en partie de la présence de lieux exceptionnels à chaque coin de rue. Connue pour être la ville aux 500 mosquées, Istanbul en héberge en réalité 3.090, et plus d’une vaut le coup d’oeil. D’abord, la fameuse mosquée bleue, Sultan Ahmet Camii de son vrai nom. Une merveille d’esthétisme qui fit jaser lors de sa construction : six minarets, de quoi égaler la Mecque. En face, un autre témoin du riche passé stambouliote. Aya Sofia se dresse fièrement habillée de mosaïques chrétiennes et symboles musulmans. Comme pour réconcilier tout le monde, le lieu de culte est aujourd’hui devenu musée. On découvre à quelques pas de là le palais de Topkapi, ses multiples cours, ses bijoux, son harem. Si des hordes d’étrangers ne circulaient pas appareils photo et caméras greffés au poing, on imaginerait facilement les événements passés entre ces murs. De l’autre côté du Bosphore, le palais de Dolmabahçe recèle de secrets. Les collines d’Eyüp cachent un point de vue inégalable sur la ville mais aussi l’un des lieux saints les plus importants au monde pour les musulmans, la mosquée d’Eyüp, fidèle et ami du prophète. Autre construction tout droit sortie d’un mythe, la Citerne basilique. Cette réserve d’eau souterraine date de la période byzantine. Magnifique avec ses 336 colonnes, elle fut longtemps oubliée : les Ottomans y jetaient cadavres et détritus ! Aujourd’hui, son potentiel mis en valeur en fait l’une des attractions principales d’Istanbul. La malédiction ne semble néanmoins que partiellement levée puisque la Yerebatan sarniçi bénéficie de la pire traduction de fascicule jamais effectuée (1).

Son paradis gustatif

On se remettra rapidement de cette attaque à la langue française en se rendant à la Cigdem Pastanesi située à deux pas de la Citerne basilique. Pour quelques livres turcs, on y déguste de délicieux baklavas, Turkish Delight et autres merveilles sucrées. Le paradis à portée de bouche, comme souvent lorsqu’il s’agit de nourriture à Istanbul. Une fois passée la surprise - la cité n’est pas réputée pour cet attrait - on attend avec impatience les prochains repas. On saute du lit le matin pour engouffrer un petit déjeuner servi presque partout sur un toit-terrasse avec vue imprenable sur la ville. Du fromage, des olives, tomates, concombres, quelques gâteaux, du yaourt, de la confiture et des oranges : ce ne sont pas les Anglais mais les Turcs qui convertiront le monde au petit déjeuner sucré-salé. Qui aurait encore faim après ça ? Personne, mais comme à midi, en sortant du Grand Bazaar, un stand proposera des “kebap” à 1,50 livre turques (moins d’un euro), on ne pourra pas résister. Sceptique ? Vous n’avez encore jamais goûté le véritable « sandwich grec » turc. Rien à voir avec l’énorme chose saturée de graisse qu’on nous sert en France. Ici, on parle viande fraîche et épices. Exit la mayo, le ketchup et, le plus souvent, les frites. Et pour ceux qui ne seraient pas carnivores, il suffit d’un saut au port d’Eminonü pour trouver son bonheur. Seule contrainte : éviter les nombreux rabatteurs qui tentent désespérément de remplir leurs bateaux de touristes pour des Bosphorus tour. On peut alors dévorer en paix son sandwich au poisson fraîchement pêché.

Ses quartiers

Tant qu’à être à Eminonü, autant en profiter pour passer le pont Galata et rejoindre l’autre berge. On tombe dans une autre Istanbul car ici chaque quartier se différencie singulièrement de ses voisins. A Beyo-lu, on grimpe parmi les boutiques à thèmes. Echoppes de gyrophares, magasins de caisses enregistreuses, guitares ou magnétoscopes. En haut, la tour Galata que le romancier Pierre Loti aimait tant. Les touristes se font plus rares. Puis en se frayant un chemin vers Taksim, on tombe nécessairement sur Istiklal Caddesi, sorte de rue de Rivoli stambouliote, en plus cosmopolite. Boutiques, cafés, restaurants, ici grouille la jeunesse. Du monde, tout le temps du monde : de la musique house côtoie Dany Brillant, un petit tram passe de temps à autre. Ce rythme soudain donne le tournis. Fatigué par tant d’agitation, on saute dans le premier bus qui passe. Ce sera le 53B. Il redescend la colline, offrant une telle vue sur la ville que même les Stambouliotes fatigués de leur journée s’arrêtent pour admirer.

Terminus au Grand Bazaar. Des milliers d’échoppes et autant de touristes. Un peu toc comme décor. Après avoir craqué pour du savon à l’olive, deux backgammons, une lampe et des créoles en argent (le tapis ne rentrait pas dans la valise), on s’éloignera de quelques rues pour atteindre Tahtakale, le quartier où les locaux font leurs courses. L’ambiance n’a plus rien à voir. Les boutiques de jeans sur mesure ou de robes de mariées immondes prolifèrent. On trouve même une enseigne David Ginola. Le lendemain, on saute dans un ferry pour la côte asiatique. Là, tout est différent : les touristes aux abonnés absents. L’occasion d’effectuer tranquillement son marché : quelques épices, des grenades… Difficile de se faire comprendre dans cette zone où pratiquement plus personne ne parle anglais. On sera bien obligé de tenter un pathétique Te-ekkür ederim que personne ne comprendra. On aurait pu préférer se rendre à Besiktas pour se fondre parmi les étudiants, voir le stade de foot et flâner dans le gigantesque parc Yildiz. Flâner sportivement car, comme partout à Istanbul, ça monte et ça descend. Sacrées collines. Il faut bien ça pour digérer tous ces kebabs et baklavas.

Istanbul, on en tombe amoureux. On finit par aimer ses défauts, cet aspect touristique un peu chiqué... La ville ne serait pas la même sans ça. Istanbul est faite de mélanges. Les influences asiatiques, européennes, anatoliennes, musulmanes, chrétiennes… Le poids de l’histoire, l’envie de modernité. Un métissage, une richesse singulière : une Europe du troisième millénaire en miniature ? La cité en sera en tout cas la capitale culturelle en 2010. Un titre bien mérité par ce drôle de laboratoire qu’est l’ancienne Constantinople.


(1) Selon la documentation remise à l’entrée de la basilique : “A l’un des recherches de P. Gyllius, promenant a l’alentour de la Sainte-Sophie, quand on lui a exprimé que les anciens habitants tiraient de l’eau avec les seaux qu’ils laissaient tomber par des ronds grands trous similaires de puits qui se trouvaient aux rez-de-chaussée de ces maisons, que même ils pêchaient, il a réussi d’entrer dans la citerne avec un flambeau à la main, par des escaliers en pierre qui allaient vers le sous-sol du vestibule entouré des murs d’une construction en bois qui se trouve sur une grande citerne souterraine.”

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Sources

Source : Aurélie Louchart pour Evene.fr
Photos (c) Aurélie Louchart - Décembre 2007

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