Engin Akgurbuz :
Secrétaire du comité de coordination des associations franco-turques de la région lyonnaise.
OUI
Il faut ratifier ces accords car la réconciliation arméno-turque est une nécessité impérieuse, l’entretien des antagonismes et des rancœurs est un comportement suicidaire, morbide et vain. Les Turcs se réjouissent de ce rapprochement avec l’Arménie, nous ne pouvons pas prolonger à l’infini les affrontements, il est temps d’accepter des compromis et ce n’est pas à nous, qui vivons en France, de remettre en question cette décision. Il y a partout des activistes qui ne survivent qu’en faisant durer les conflits à grands coups de revendications extrêmes. Il faut faire primer la perspective d’une paix durable dans le Caucase, afin de bâtir des économies nouvelles. Pour la première fois de leur histoire, l’Arménie et la Turquie sont du même côté de la barrière, le combat contre l’adversité sera un combat commun et la stabilité retrouvée sera une victoire commune particulièrement chargée de sens dans une région où les conflits sont très nombreux depuis des siècles. Une solidarité fructueuse entre Turcs et Arméniens rendra possible le nécessaire examen des drames du passé, y compris le jeu trouble et pervers des grandes puissances qui se sont combattues pour contrôler le Caucase en se servant des Arméniens et des Turcs. Il est urgent de rebâtir une confiance mutuelle, socle de l’avenir, entre les peuples d’Arménie et de Turquie. Nous avons expérimenté depuis de trop longues années l’art des reproches mutuels et nous avons ainsi retardé -en vain- l’heure d’affronter les problèmes d’aujourd’hui. La Turquie et l’Arménie veulent, avec ces accords, retrouver la pleine maitrise de leur destin et personne n’a le droit d’écraser du talon l’espoir et la volonté des peuples qui veulent un meilleur avenir.
Hilda Tchoboian :
Présidente de la fédération euro-arménienne pour la justice et la démocratie.
NON
Il ne faut pas ratifier ces accords qui sont une insulte pour l’Arménie. Dans les faits, l’objectif de ces accords consiste à rouvrir les frontières turques aux Arméniens. Mais, pour lever ce blocus, la Turquie pose des conditions inimaginables. Elle exige que l’Arménie renonce à la reconnaissance du génocide de 1916 et qu’elle influe sur sa diaspora pour qu’elle ne parle plus de génocide ! Les Turcs veulent mettre en place une commission d’historiens qui aura pour rôle de déterminer si génocide il y a eu. C’est totalement invraisemblable ! La Turquie dit : « Nous doutons qu’il y a eu un génocide, alors nous devons encore demander à des historiens de se mettre d’accord pour savoir s’il y a eu génocide ou pas. » En vérité, la Turquie va profiter de la fragilité de l’Arménie d’aujourd’hui pour créer un doute et faire passer un problème politique embarrassant pour un problème historique. L’Arménie est prise en otage. La fermeture de la frontière devrait avoir pour réparation la levée du blocus et non pas de nouvelles conditions pour humilier et mettre l’Arménie à genoux. Que vont dire les pays qui ont reconnu le génocide ? Moi, j’aurai honte si l’Arménie cédait alors que des Etats qui n’ont pas eu de responsabilité directe dans le génocide l’ont, eux, reconnu. C’est très grave pour nous. C’est un coup fatal à notre dignité. La Turquie veut également que l’Arménie quitte les territoires qui appartenaient, suite à une décision irrégulière de Staline, à l’Azerbaïdjan, alors que les traités d’occupation n’ont pas de valeurs internationales. Il faudrait aussi que l’Arménie reconnaisse la frontière actuelle qui la sépare de la Turquie alors que celle-ci n’a jamais été légitime. L’Arménie qui renait juste de ses cendres suite à une période soviétique difficile va se faire abuser par une puissance malhonnête et dépourvue de tout scrupule.