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En Turquie, l’opposition kémaliste 
et nationaliste fait de la résistance

vendredi 7 mai 2010, par Hassane Zerrouky

Le Parti de la justice et du développement (AKP), au pouvoir, a décidé de réviser la Constitution afin de rendre plus difficiles les dissolutions des partis politiques et, partant, de réduire le poids des institutions favorables à l’armée.

Quand le 30 mars dernier, le parti au pouvoir AKP (Parti de la justice et du développement, issu de la mouvance islamique) a déposé au Parlement un projet de révision constitutionnelle, l’opposition kémaliste et nationaliste y a vu un complot visant à porter atteinte à la laïcité. Or, les amendements constitutionnels proposés visent surtout à rendre plus difficile la dissolution des partis politiques – un sport national en Turquie – par la justice. Exemple  : en mars 2008, le procureur de la Cour de cassation, Abdurrahmane Yalçinkaya, avait déposé devant la Cour constitutionnelle une demande visant à interdire l’AKP, accusé d’« activités allant à l’encontre de la laïcité », et ses dirigeants, le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, le président de la république Abdullah Gül et 69 autres personnalités du parti. En 2007, cette même juridiction avait annulé dans un premier temps le premier tour de l’élection présidentielle, sous prétexte que le candidat Abdullah Gül est issu du courant islamique  ! Elle est également derrière la dissolution du DTP (Parti pour une société démocratique, pro-kurde) en décembre dernier  !

Ces amendements constitutionnels (une cinquantaine d’articles) interviennent dans un contexte d’arrestations de dizaines d’officiers supérieurs à la retraite pour tentative de coup d’État. Une affaire qui a éclaboussé l’armée turque, qui se veut la garante des valeurs kémalistes et laïques et qui depuis lors est sur la défensive. D’aucuns estiment que l’AKP a mis à profit cette situation pour restructurer et réduire le poids du HSYK (Conseil supérieur de la magistrature) et de la Cour constitutionnelle, à travers cette révision constitutionnelle. Ces deux institutions, considérées comme les bastions du kémalisme, sont suspectées non sans raison par des médias et une partie des élites démocratiques, d’instrumentaliser la défense de la laïcité et de la « nation turque » pour le compte de la haute hiérarchie militaire. Le moins qu’on puisse dire est qu’en décidant de réviser partiellement la Constitution, l’AKP, dont la stratégie suivie jusqu’à ces dernières années reposait sur la recherche d’un consensus sur des sujets aussi sensibles que la question kurde, le rôle et la place de l’armée ou l’élection du président de la République au suffrage universel, semble avoir opté pour l’épreuve de force avec l’institution militaire, dont le poids est allé en déclinant depuis qu’Ankara a décidé d’adhérer à l’UE et de satisfaire aux critères de Copenhague.

Toutefois, la partie est loin d’être gagnée. D’une part, une majorité des deux tiers est requise pour faire adopter la révision proposée. D’autre part, le principal parti d’opposition, le CHP (Parti républicain du peuple, kémaliste), envisage de saisir la Cour constitutionnelle pour faire annuler le projet.

Hassane Zerrouky

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Sources

Source : L Humanité du 30 avril 2010

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