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Turquie - Le terrorisme d’état alla turca…

vendredi 14 juin 2013, par Ali Terzioğlu

Dix jours après le début des premières manifestations contre le gouvernement
turco-islamiste, incarné par le premier ministre Recep Tayyip Erdoğan, la répression étatique vient de franchir un seuil. Le but est on ne peut plus clair. Semer la terreur, faire taire les citoyens, annihiler toute forme de résistance à l’islamisation fascisante de la société, intimider les démocrates par tous les moyens, les priver de leurs droits fondamentaux, mais aussi faire planer dans toutes les villes du pays la menace de contre-manifestations punitives des partisans de l’AKP, le parti au pouvoir.

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Violence totalement disproportionnée de la répresion policière en Turquie

Ce dernier s’abreuve depuis longtemps, grâce à des réseaux fondés sur un népotisme tentaculaire, dans les eaux troubles d’une idéologie rétrograde masquée par la relative réussite économique de ces dix dernières années. Le clientélisme est d’une rare efficacité auprès des citoyens turcs et kurdes d’origine modeste, dont on exploite les croyances religieuses. L’activisme islamiste, épaulé financièrement par d’innombrables confréries musulmanes qui refleurissent un peu partout, a usé de tous les moyens pour diviser le pays en deux camps : les croyants, fidèles serviteurs de Dieu et de la patrie, et les « mécréants », dangereux ennemis de l’Islam, des Musulmans et d’une république qui sera islamo-vertueuse, selon les termes de l’AKP, si la feuille de route de Recep Tayyip Erdoğan aboutit à son terme.

Rappelons, à ce sujet, les efforts considérables que déploie la direction des affaires religieuses pour insuffler la vertu, version AKP, aux habitants d’İzmir, ville décrétée « mécréante » par les gouvernants actuels. Nous avons toutes les raisons de penser que l’AKP, dont est issu le premier ministre turc, ne rêve pas d’une société et d’un état réellement démocratiques. Plus de soixante-dix avocats, dont certains en robe, ont été raflés par des policiers brutaux dans les murs même du Palais de justice de Çağlayan, à İstanbul. D’après ce que l’on sait, ils auraient osé défendre devant les tribunaux les manifestants arrêtés ces derniers jours.

Des centaines, voire de milliers d’hommes et de femmes, jeunes, retraités, étudiants, militants et militantes féministes, sont violemment arrêtés, brutalisés et arbitrairement mis en garde-à-vue. Des policiers incontrôlés et incontrôlables inondent presque tous les quartiers d’Istanbul de gaz lacrymogènes, leurs matraques tombent sur les manifestants avec une sauvagerie dont nous avons honte pour eux. Certaines scènes de violence sont insoutenables et symptomatiques de la haine qu’éprouvent les idéologues de l’Islam politique et leurs thuriféraires vis-à-vis de tous les démocrates.

Certaines images me font craindre le pire, ce soir, tandis que sourd de ma mémoire le souvenir indélébile des massacres de la ville de Maras [1]. Des Musulmans sunnites, chauffés à blanc par l’extrême droite, avaient sauvagement assassinés quelques jours durant d’autres citoyens turcs et kurdes alévis, considérés comme des mécréants. Cela me glace le sang… Et me fait dire que des millions de démocrates sont et seront menacés en Turquie, qui pourrait se transformer en prison à ciel ouvert…

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Sources

Ali Terzioğlu, traducteur.

Notes

[1« Scènes de massacres », Inci Aral, éditions L’Harmattan, Paris, 1989.

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