Si de vives critiques autant nationales qu’internationales ont salué à leur manière les contrats passés entre la France et la Libye via Nicolas Sarkozy, ses relations houleuses avec la Turquie impactent désormais directement les résultats commerciaux des groupes français.
Ankara vient en effet d’annoncer qu’elle préférait RWE à Gaz de France (GDF) pour participer au gazoduc Nabucco. Honnêtement, il fallait s’y attendre .. Les propos « musclés » de Sarkozy vis–à-vis de la Turquie n’ont pas que des effets positifs. « Parler moins pour obtenir plus » ?
La Turquie souhaite que le groupe allemand RWE participe au projet de gazoduc Nabucco, qui vise à acheminer du gaz naturel de la mer Caspienne jusqu’en Europe, a déclaré mercredi dans la soirée un responsable du ministère de l’Energie turc.
Pour rappel, RWE est en concurrence avec Gaz de France sur ce dossier dont le but consiste en la connexion et la mise en valeur des réserves de gaz naturels existantes dans la Zone de la Mer Caspienne et au Moyen-Orient, avec les marchés européens.
Le projet Nabucco, estimé à 4,6 milliards d’euros, prévoit ainsi d’acheminer du gaz naturel de la Turquie à l’Autriche via la Bulgarie, la Roumanie et la Hongrie, afin de réduire la dépendance de l’Europe de l’Ouest vis-à-vis de la Russie pour ses approvisionnements gaziers.
La construction et l’exploitation du pipeline ont été confiées à un consortium international dirigé par la compagnie pétrogazière autrichienne OMV. Le projet associe pour l’instant cinq sociétés de pays distincts mais celles-ci sont à la recherche d’un sixième partenaire. Celui-ci sera désigné officiellement d’ici la fin de l’année. Sont impliquées actuellement dans le projet les compagnies OMV Autriche, MOL Hongrie, BOTAS Turquie, Bulgargaz Bulgarie et Transgaz Roumanie.
Le responsable général du projet du gazoduc Nabucco sera choisi d’ici la fin de l’année, plusieurs offrants s’étant présentés à ce jour. Le chargé de projet sera aidé également par un délégué local de chaque pays impliqué et devra finaliser le projet en 2009, quand la construction proprement-dite commencera. Le gazoduc devrait être prêt en 2012.
Les cinq compagnies ont signé le 11 octobre 2002 à Vienne, un Accord de coopération sur la mise en place d’un ’’Consortium’’ en vue d’effectuer une ’’Étude de faisabilité’’ sur la création d’une route totalement nouvelle de transport des gaz naturels des zones de production citées, par la construction d’un gazoduc sur le territoire des cinq pays et ayant comme point de départ les frontières de la Turquie avec la Géorgie et l’Iran, et comme point final le noeud Baumgarten en Autriche, noeud important où sont collectés les gaz russes qui transitent vers l’Europe de l’ouest. De même, le branchement au gazoduc d’autres sources de gaz disponibles de la zone (Syrie, Irak, Égypte) sera pris en compte.
L’importance de ce projet a été reconnue aussi par les organismes communautaires, la Commission européenne l’incluant dans le programme TEN (Trans European Networks) sur la liste de projets prioritaires. Cela suppose également le financement par la Commission européenne de 50 % du montant nécessaire pour effectuer l’étude, le restant étant assuré depuis les propres fonds des cinq compagnies. Le gazoduc aura une longueur de 3 400 km et une capacité de transport de 25-31 milliards m3 par an.
La Turquie et l’Iran viennent quant à elles de signer une déclaration d’intention commune sur l’acheminement du gaz naturel iranien et turkmène vers l’Europe. Les négociations avec le ministre turc de l’Energie Hilmi Güler au Turkménistan et en Iran ont débouché sur une déclaration d’intention commune que personne n’attendait.
Selon le journal turc Sabah, 2 jours de réunions auront permis au ministre du pétrole iranien et au ministre turc de l’énergie et des transports, de trouver un accord sur le transport du gaz naturel turkmène vers l’Europe via la Turquie et l’Iran. Ils se sont également accordés sur la question d’une participation turque au développement de l’exploitation du gaz dans la ville de Asaluye, en Iran, ainsi que sur la coopération entre les deux pays concernant les hydrocarbures. La construction d’un gazoduc et d’un oléoduc de 3 300 km devrait être financé à part égale entre les deux pays. Il pourrait transporter 30 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an vers l’Europe, en évitant la Russie.
Cet accord passé avec l’Iran conforte considérablement la position de la Turquie et donne un coup de fouet à la réalisation du projet Nabucco. Certains analystes estiment que le projet constitue désormais la dernière chance pour la création d’un gazoduc échappant au contrôle de la Russie. Pour le Turkménistan, il devient ainsi possible d’acheminer du gaz en Turquie sans devoir construire un nouveau gazoduc sous la mer Caspienne (...).
En 2010, les traités de nombreux fournisseurs de gaz européens avec le gazier Gazprom seront renégociés. L’existence d’une source alternative de gaz renforcerait la position des Européens dans les négociations, estiment les analystes.
Le ministre turc de l’Energie, Hilmi Güler, avait déclaré au mois de mai dernier que l’ambitieux projet de gazoduc transcaspien Nabucco destiné à exporter les hydrocarbures de la mer Caspienne vers l’Europe en contournant la Russie serait réalisé « malgré tout ». « Nous réaliserons nécessairement le projet Nabucco prévoyant les exportations de gaz naturel du bassin de la mer Caspienne vers l’Europe via la Turquie. Aucun événement conjoncturel ne pourra empêcher sa mise en œuvre », avait-il souligné à Ankara à l’occasion du congrès international du pétrole et du gaz IPETGAS 2007.
Sources : Reuters, Rompress, Courrier International, Turquienews