Mercredi dernier (5 décembre 2007- ndlr), en fin d’après-midi, le journaliste Andreas Rombopulos a été agressé par deux inconnus à la sortie du petit journal qu’il dirigeait, Echo (Iho), l’une des deux gazettes de la communauté hellène d’Istanbul (Rum). Il était 16h30. Andreas Rombopulos a été attaqué à coups de bâtons et frappé. Il s’en est sorti avec quelques points de suture, un bras et des doigts cassés.
Mais quelques jours après l’enlèvement mystérieux d’un moine syriaque à Mardin, et au moment où le procès de Malatya révèle un scandale de Susurluk par jour, la pression sur les minorités est intense. Le lendemain, nous avons voulu recueillir le sentiment de Mihail Vassiliadis, le rédacteur en chef d’Apoyevmatini, l’autre journal grec d’Istanbul.
Dans quel état d’esprit êtes vous ce matin ?
Si nous pouvons encore être là et dire ce que nous pensons, alors c’est que tout va bien ! Jusqu’à ce que nous prenions un autre coup de matraque. Ce genre d’actes ne nous découragera jamais. Dans mon édito de ce matin, j’ai écris que de l’extérieur, ce sont des choses qui peuvent paraître très lourdes. Mais lorsque vous avez vécu toute votre vie sous cette pression, cela devient habituel. Je ne suis pas étonné, on vit toujours dans l’attente de choses comme ça.
La pression est tout de même particulièrement forte en ce moment ?
Quand cela a-t-il diminué ? Nous avons eu les impôts spéciaux dans les années 40, les émeutes du 6 septembre 1955, le service militaire, la crise de Chypre, Hrant Dink… Ce sont comme des désastres naturels. Après les inondations, il y a la décrue. Mais moi je me rappelle d’une pluie fine toute ma vie. Ce climat pourri nous fait fuir.
… ?
Quand j’étais petit et que j’allais faire les courses avec ma mère, elle me mettait la main sur la bouche pour ne pas qu’on sache que nous étions “rum”. La matraque d’hier, c’est le regard de l’autre quand on parle grec, les provocations de la presse… Le peuple ne doit pas être utilisé comme une arme. Par exemple les confiscations des fondations pourraient être annulées. Le gouvernement et l’Etat peuvent légiférer. Mais on se sert du peuple comme d’une mitrailleurse.
Derrière vous, le portrait de Hrant Dink. Est ce que rien n’a changé depuis sa mort ?
La mort de Hrant Dink n’est pas le fait d’Ogun Samast, un gamin de 17 ans. Les véritables assassins de Hrant Dink, ce sont les livres scolaires. Dans ces livres, l’image de l’autre provoque toujours des hostilités et créée une atmosphère qui nous dérange. Il serait temps que la Grèce et la Turquie fassent ce travail, comme l’ont fait la France et l’Allemagne après la guerre. Mais Babacan et Bakoyannis (les deux ministres des affaires étrangères qui se sont rencontrés cette semaine) ont parlé coopération militaire et économique. Alors qu’écrire un livre ensemble serait la chose la plus importante à faire.