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Turquie : Le long voyage d’Ahmet Davutoğlu

jeudi 29 avril 2010, par Jean Marcou

La semaine passée a vu Ahmet Davutoğlu, le ministre turc des affaires étrangères réaliser un véritable marathon entre le Caucase, les Balkans, l’Europe et Chypre, c’est-à-dire au cœur de l’aire régionale où se déploie par excellence la nouvelle politique étrangère de la Turquie. Cette surchauffe diplomatique s’explique, à la fois par la densité de l’ordre du jour international, après le sommet nucléaire de Washington, et par l’indisponibilité de l’essentiel de la classe politique gouvernante turque, absorbée par le lancement du vote crucial des amendements de la réforme constitutionnelle, au Parlement.

Le long périple d’Ahmet Davutoğlu a commencé à Bakou, le 19 avril. Bien que les Azerbaïdjanais aient déjà été informés par un envoyé spécial du gouvernement turc, du contenu de l’entretien qu’a eu Recep Tayyip Erdoğan avec Serge Sarkissian, à Washington, en marge du sommet sur la sécurité nucléaire, cette visite du chef de la diplomatie turque au président Ilham Aliev, visait surtout à montrer le souci d’Ankara de tenir Bakou informé, au plus vite et au plus haut niveau, de l’évolution de ses relatons avec l’Arménie. Mais l’étape majeure du début de ce long voyage était bien Téhéran, où le ministre turc des affaires étrangères s’est rendu pour prouver la pertinence de la position que son pays avait défendue à Washington, une semaine plus tôt, à savoir que l’on doit encore privilégier une solution diplomatique à la crise nucléaire iranienne. Arrivé le 19 avril au soir à Téhéran, Ahmet Davutoğlu a eu une série d’entretiens avec le président et le ministre des affaires étrangères iraniens, qui, aux dires des journalistes, se sont poursuivis quasiment jusque sur le tarmac de l’aéroport. L’intensité de ce court séjour, sans s’être traduite par des avancées décisives, a au moins permis au ministre de continuer à afficher son légendaire sourire, en faisant part d’un optimiste forcené. Les Iraniens sont très « réceptifs », a-t-il déclaré à la presse, tandis que les Américains, tout en avouant leur admiration pour « les efforts » de leur « allié turc », continuaient à faire part de leur scepticisme à l’égard du comportement de l’Iran qui, selon eux, est celui d’un pays qui « n’est pas véritablement désireux de dialoguer sérieusement ».

Le 20 avril au soir, la zone d’activité du ministre des affaires étrangères s’est sensiblement déplacée vers l’Ouest, retrouvant d’autres priorités. En effet, le jet spécial du chef de la diplomatie turque s’est envolé pour Belgrade où se tenait le sommet trilatéral Serbie, Espagne, Turquie, organisé pour préparer le prochain sommet de l’OTAN et défendre de façon impérative l’intégration de la totalité des Balkans dans l’Alliance atlantique. Ce séjour dans la capitale serbe devait être initialement le prologue à une étape ultérieure à Rome, où le ministre des affaires étrangères turc était sensé retrouver son premier ministre. Mais, en réalité, Recep Tayyip Erdoğan ayant été finalement retenu par les débats parlementaires sur la révision constitutionnelle, c’est à Bruxelles qu’Ahmet Davutoğlu a atterri, le 21 avril, au matin, non sans avoir craint jusqu’au bout de devoir à nouveau changer de destination, en raison du nuage de cendres volcaniques islandais, qui continuait à faire des siennes sur une partie de l’espace aérien européen. Cette étape européenne a paradoxalement ramené le diplomate turc en chef à des préoccupations plus orientales. Il s’agissait en fait, pour lui, d’informer les responsables de l’Union Européenne, en particulier, Catherine Ashton, des résultats de sa visite à Téhéran. Après ce crochet européen, dès le 21 avril au soir, l’avion du ministre a rallié la capitale de l’Estonie, Tallin, où se tenait, le lendemain, le sommet de l’OTAN ; une étape au cours de laquelle, Ahmet Davutoğlu a enfin pu marquer un point, puisque les membres de l’Alliance ont finalement accepté, conformément aux souhaits de la Turquie, le principe de l’adhésion de la Bosnie-Herzégovine, en dépit des oppositions française, allemande et néerlandaise. La journée du vendredi 23 avril a ramené le ministre turc des affaires étrangères à des préoccupations plus protocolaires, non dépourvues d’arrière-pensées diplomatiques, puisqu’il s’est rendu à Lefkosie, pour assister à la cérémonie d’investiture du nouveau président de la RTCN, Derviş Eroğlu.

Le long voyage d’Ahmet Davutoğlu, sur lequel la presse pro-gouvernementale s’est lourdement attardée cette semaine, est très révélateur de la diplomatie turque actuelle. Se déployant sur plusieurs zones privilégiées, le Caucase, les Balkans, le Proche-Orient, et l’Europe, cet activisme taquine désormais des enjeux de dimension internationale, comme le nucléaire iranien, où Ankara n’a de cesse de se poser en médiateur incontournable.

JM

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Sources

Source : ovipot, le 28.04.10

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