La décision des 11 juges de la Cour constitutionnelle met à mal la politique de la main tendue du premier ministre Recep Tayyip Erdogan
La décision est sans appel. Après quatre jours de débats, les 11 juges de la Cour constitutionnelle ont voté à l’unanimité vendredi pour l’interdiction du Parti pour une société démocratique (DTP, pro-kurde) qui compte 21 députés au parlement et dirige 99 municipalités depuis son succès électoral de mars dernier. Ce parti était poursuivi depuis l’automne 2007 pour ses liens présumés avec la rébellion du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qualifiée de terroriste par Bruxelles, Washington et Ankara. Le président de la cour, Hasim Kilic, a rappelé hier qu’un « parti politique n’a pas le droit d’inciter à la violence ou à la terreur ». Parmi les 219 personnes poursuivies, 37 se voient interdites de politique durant cinq années, dont les députés Ahmet Turk et Aysel Tugluk, considérés pourtant comme des « colombes ».
« La Turquie traverse une période douloureuse », a déclaré le président du DTP, Ahmet Turk, lors d’une courte intervention devant le siège de sa formation à Ankara. « La Turquie ne résoudra pas le problème en fermant le parti (…). Evidemment cette décision approfondit le désespoir. C’est une réalité, mais malgré cela, nous pensons que la Turquie parviendra un jour à la paix. » Les dirigeants du DTP pourraient annoncer ce samedi la démission de l’ensemble de leurs députés.
Publicité
Cette interdiction, qui pose la question de la représentativité des 12 millions de Kurdes du pays, intervient cinq jours après la mort de sept soldats dans un attentat revendiqué par le PKK. La tension est également très forte depuis deux semaines dans le sud-est du pays, avec des affrontements quotidiens entre forces de l’ordre et sympathisants du PKK qui protestent contre une prétendue détérioration des conditions de détention du leader kurde Abdullah Öcalan.
Premiers affrontements
Par ricochet, l’interdiction du DTP met en péril l’« ouverture démocratique » lancée par le gouvernement Erdogan et destinée à résoudre pacifiquement la question kurde. Officiellement, « les réformes se poursuivront », ne cesse de répéter le parti islamiste modéré au pouvoir qui se retrouve toutefois sans interlocuteur kurde. Certes, ces dernières semaines, le DTP avait retiré son soutien envers un projet jugé trop modeste mais avec cette interdiction, Ankara se retrouve seul face au PKK, dont les chefs sont basés dans les montagnes du nord de l’Irak, et face à l’opposition nationaliste et kémaliste.
Hier soir, à Diyarbakir, la principale ville du sud-est du pays, des centaines de manifestants kurdes appelant à la « vengeance » se sont affrontés aux policiers anti-émeutes.