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Turquie : deux logiques différentes

lundi 31 mars 2008, par Marillac, Murat Belge

Chez le citoyen ordinaire le poids de concepts comme ceux de concurrence ou de lutte pèsent d’un poids plus lourd que ne le peuvent leurs contraires. Parce que toute l’histoire du monde est remplie de leçons qui nous sont assénées sur le mode du « soyez réalistes » ou « rien n’advient à qui ne sait pas prendre en compte ces dimensions de la lutte ».

Et il est vrai que les exemples qui pourraient constituer comme des dérogations et exceptions à cette règle sont bien rares.
Des échecs au backgammon et de la belote ou bridge, tous les systèmes auquel nous jouons en les appelant « jeu » sont fondés sur des principes de ce genre. La concurrence est reine. L’objectif : renverser l’adversaire.

Aux échecs ou bien à la guerre qui, selon les considérations célèbres de Clausewitz, n’est autre que le continuation de la politique et donc en politique dont la guerre ne constitue qu’une phase antérieure, nous entrons toujours dans un lutte, stylisée ou réelle. Et nous sommes les détenteurs d’une croyance solidement enracinée selon laquelle la concurrence est l’une des instances les plus fondamentales de la vie ou de l’existence.

Et pour l’individu qui se retrouve dans une telle situation, il sera impératif avant toute chose d’essayer de deviner ce que va faire son adversaire, voire son ennemi. Ou encore si vous préférez de déchiffrer son plan et ses intentions.

Il vient de retirer le cavalier. Il a replié sa seconde brigade derrière la colline. Pourquoi donc ? Pourquoi faire ? Que cherche-t-il à faire ? N’est-ce qu’une illusion, un leurre ou bien prépare-t-il une nouvelle attaque ? Et s’il s’avère que c’est bel et bien une attaque à quel autre élément de la partie ou de la bataille ces unités vont-elles prêter main forte ?

Nous devons réfléchir à tout cela de manière à nous trouver prêts à toute éventualité. De façon à éviter qu’à un moment inattendu nous n’essuyions pas un inattendu soufflet.

C’est-à-dire que la logique qui prévaut ici c’est celle de prendre les mesures censées contrer ce que je peux savoir par avance de ce que fera mon adversaire.
Et c’est la logique que suivra naturellement une personne qui se retrouve dans l’une des situations que j’ai citées plus haut.

Mais cette logique ne peut s’appliquer partout. Par exemple, il ne peut en être ainsi lorsqu’il est question du droit. Je peux même aller plus loin : on peut dire que le droit tout entier repose sur cette idée d’une logique contraire à celle que je viens de décrire.

Si le code pénal contient les définitions et les peines encourues pour chaque crime, cela signifie que nous supposons que quelqu’un est en mesure de commettre un crime et que nous prévoyons par avance les mesures à prendre. Mais il s’agit d’une mesure générale. Elle ne concerne que « toute personne commettant un crime ». Et non pas une personne en particulier : Mehmet, Ahmet, etc…

Vous ne pouvez en aucun cas dire : « d’après moi, Ahmet va commettre un crime. Le mieux c’est de le séquestrer par avance afin d’éviter qu’il ne commette son crime. »

Parce qu’en droit, il ne peut être question de qualifier et juger un acte qui n’a pas été commis.
Et penser le contraire est une chose absurde. Travailler d’ailleurs à ce qu’une telle chose puisse advenir ne signifie pas autre chose que mettre un terme à l’idée même de droit.

Venons en donc au débat politique qui est le nôtre ce jour. L’une de nos armes préférées est celle de la « dissimulation » (des islamistes). Et dans cette lutte, par respect des règles de base du combat, nous nous efforçons de deviner sans cesse les actes à venir des « dissimulateurs » et d’utiliser le droit pour l’empêcher de parvenir à ses fins. Et la plupart du temps, par la simple force du fait accompli.
« Aujourd’hui, il disent qu’ils ne veulent qu’entrer librement à l’université. Demain, ce sera au tour des lycées. Et le surlendemain, ils voudront voiler tout le monde… »

Voilà le jugement qui a lieu et se propage… Et la conséquence attendue, c’est de les empêcher de tout simplement commencer. Et comme il n’est pas d’autre outil, d’utiliser le droit à cet effet. Pour le dire autrement, ce qu’il nous faut c’est donc bien un droit qui ne serait pas… juridique.

Et nous avons déjà bien avancé dans cette invention. Pour la laïcité, nous avons sacrifié la démocratie depuis le premier jour. Sur la liste : l’Etat de droit.

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Sources

Source : Radikal, le 14-03-2008

Traduction pour TE : Marillac

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