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Tarir les ruisseaux du maquis kurde

lundi 9 juin 2008, par Mehmet Akkus, Mehmet Ali Birand

Presque chaque jour, dans nos journaux et sur nos écrans de télévision, on nous raconte dans le menu détail les victoires de nos forces armées contre le PKK. Cependant nous oublions de dire que le plus important n’est pas de déloger ceux qui sont dans les montagnes mais de leur en empêcher l’accès. En agissant de cette manière, nous faisons naître un désenchantement dans l’opinion publique.

Je vais vous parler aujourd’hui de certaines réalités qui ne vont peut-être pas vous plaire. Avant de vous mettre en colère, je vous prie de prendre un instant de réflexion pour voir si j’ai raison ou non. Ensuite vous pourrez réagir.

Depuis des mois, les forces armées turques mènent régulièrement des opérations contre le PKK. D’abord ce fut des bombardements à la frontière irakienne et sur la région de Kandil, puis des actions terrestres avec des moyens d’envergure. Actuellement les combats se poursuivent des deux côtés de la frontière turco-irakienne.

L’objectif est de déloger les terroristes des montagnes et d’empêcher leur accès à la Turquie.

Presque chaque jour, à la télévision et dans les médias, nous pouvons suivre la progression des combats.

Nous nous glorifions de nos militaires qui au prix de leur vie essaient de nous protéger. Et nous avons bien raison de le faire. Mais parfois nos titres sont tellement exagérés que nous commençons à faire douter notre opinion publique.

Il suffit de lire les Une de ces derniers mois.

Nous pouvons lire des slogans et des informations à la limite de la crédibilité.

Au moins une fois par semaine nous parlons de « PKK dispersé » et « pris de panique ». De leaders en fuite, de commandants tués et d’un nombre exagéré de tués. Si nous mettions tout cela bout à bout, nous verrions que la quasi-totalité des membres du PKK auraient été tués. Cependant, ils sont toujours là et continuent de tuer nos soldats.

Cette approche des médias a pour but d’encourager les forces armées turques. Mais en fait, nous produisons l’effet exactement contraire en créant le doute chez nos concitoyens.

Tant d’exagération et tant de slogans dithyrambiques lassent la population, sans pour autant encourager les forces armées. Nous ouvrons la voie à des déceptions inutiles.

Pour résumer, ceux qui informent l’opinion publique, nous y compris, doivent agir avec prudence.
Ce que je viens d’écrire est une face de la médaille du terrorisme du PKK. Il y a aussi l’autre face.

Arrêtons au moins l’accès aux montagnes…

Je suis sûr que vous vous en rappelez. Il y a quelques temps, le commandant des forces terrestres, le général İlker Başbuğ, a mis le doigt sur le vrai problème.

Il nous est impossible d’éliminer le PKK, si nous sommes incapables de stopper le mouvement vers les montagnes. Pour y parvenir, il n’a pas voulu dire mettre des mines sur les chemins de montagne.

Les militaires mènent avec brio un combat contre les terroristes. Mais le combat contre le terrorisme n’est pas seulement l’affaire des militaires.

Les politiques doivent arrêter de chercher la facilité en laissant le problème du PKK aux militaires. Ils doivent faire de nouvelles avancées dans les domaines économique, social et culturel. Ils doivent pérenniser les succès des militaires en proposant de nouvelles réformes. Vraiment, tant que nous ne réussirons pas à convaincre de rester le jeune qui veut tout laisser tomber pour rejoindre les montagnes le PKK continuera à exister.

Avant tout, prenons le temps de réfléchir.

Pourquoi cet homme aussi jeune partirait-il ?

Ceux qui connaissent les conditions de vie de cette région pourraient vous répondre « pourquoi ne partirait-il pas ? »

Il n’y a pas de travail ...

Il n’y a pas de futur... La pauvreté est partout...

Et comment refuser lorsqu’on vous pousse à y aller ?

Toutes ces conditions poussent le jeune à rejoindre les montagnes.

Nous pouvons envoyer autant de militaires que nous voulons, nous pouvons faire autant d’opérations que nous voulons, nous pouvons même envahir l’Irak, tout cela ne servira à rien, tant que nous ne supprimerons pas les conditions qui poussent les jeunes à rejoindre les montagnes et le PKK.

Ecrivons des gros titres dans les médias : que le PKK est sur le point de se dissoudre, écrivons qu’ils sont pris de panique, écrivons mais cela ne sert à rien….

Nous aurons tout juste réussi à nous tromper nous-mêmes.

Nous n’aurons aucun résultat, tant qu’à Ankara, les militaires et les hommes politiques n’auront pas réfléchi et mis en œuvre d’autres réformes.

A ce propos, nous ne devons pas faire supporter toutes les fautes aux hommes politiques. Car, de temps en temps, ils ont fait des propositions qui ont été critiquées de toutes parts.

Chacun possède sa propre solution.

Nous sommes incapables de proposer une politique commune. Chacun a sa propre solution et conteste celle de l’autre.

Actuellement le PKK subit des pertes importantes, son moral est au plus bas et il est psychologiquement anéanti. Seulement dans quelque temps il aura réussi à se refaire. Lorsqu’il voit de nouveaux arrivants venir remplacer les morts, son moral remonte.

Les médias voient toutes ces réalités. Ils les connaissent. Seulement, ils essaient de la cacher par du bla bla.

Nous avons intérêt à le savoir.

Nous ne trompons que nous mêmes.

Des hommes meurent inutilement

Nous devons enfin comprendre que les histoires de héros inutiles ne nous mèneront nulle part.

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Sources

Source : Milliyet, mai 2008

- Traduction pour TE : Mehmet Akkus

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