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Sarkozy lie langue avec la Turquie

mercredi 6 juin 2007, par Jean-Christophe Ploquin

Le conseiller diplomatique de l’Élysée s’est rendu à Ankara pour une première visite d’approche.

La question de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne pourrait devenir un dossier encombrant pour Nicolas Sarkozy. Le président de la République, qui est opposé à cette perspective, en a parlé avec le président du Conseil italien Romano Prodi, qu’il a reçu avant-hier à l’Élysée, et il l’abordera demain à Madrid avec le président du gouvernement espagnol José Luis Zapatero.

Lundi après-midi, Nicolas Sarkozy et Romano Prodi ont notamment affiché leur volonté d’organiser une réunion de sept pays européens riverains ou très proches de la mer Méditerranée, la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Grèce, Malte et Chypre, pour réfléchir à l’idée de création d’une Union méditerranéenne, avancée ces derniers mois par le nouveau chef de l’État français. Mais Romano Prodi a mis en garde son hôte contre la tentation d’utiliser ce projet pour enrayer les négociations de la Turquie avec l’Union européenne.

L’Union méditerranéenne ne doit pas être « une échappatoire pour résoudre le problème de nos relations avec la Turquie. C’est autre chose, a-t-il affirmé. On commencerait mal une grande aventure », en l’envisageant ainsi, a-t-il ajouté. « À l’évidence, la Turquie est une grande nation méditerranéenne, a noté de son côté Nicolas Sarkozy. Turquie ou pas Turquie, l’Union de la Méditerranée est nécessaire. »

Le président de la République a par ailleurs laissé entendre que la France ne bloquerait pas, le 26 juin, l’ouverture de trois nouveaux chapitres dans le cadre des négociations entre la Turquie et l’Union européenne. « Le véritable rendez-vous est décembre 2007 », a-t-il lancé, lorsque le Conseil européen examinera le prochain rapport de la Commission sur les progrès réalisés par Ankara.

La semaine dernière, le chef de l’État a eu « longuement » au téléphone le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan et, durant le week-end, le conseiller diplomatique de l’Élysée, Jean-David Lévitte, s’est rendu à Ankara où il a rencontré des responsables du ministère des affaires étrangères et du bureau du premier ministre. « Personne ne demande à l’autre de changer de position, explique-t-on à l’Élysée. Mais nous cherchons à refonder la relation franco-turque. » La France sait qu’en bloquant l’ouverture de nouveaux chapitres de négociations le 26 juin, elle favoriserait la surenchère en Turquie des ultranationalistes, à l’approche des élections législatives prévues le 22 juillet prochain.

D’ici à décembre, Paris devrait prôner la création au sein de l’Union d’un « groupe de travail sur les frontières de l’Union européenne et sur la politique de voisinage ». Bien que la tâche soit difficile, Nicolas Sarkozy, qui se souvient avoir été toujours applaudi durant la campagne présidentielle lorsqu’il affirmait son refus de la Turquie dans l’Union, souhaite en effet pouvoir offrir à la Turquie une alternative plus séduisante que le concept de « partenariat privilégié ». Il compte sur le projet d’Union méditerranéenne, dont le concept reste toutefois encore flou, mais dont il a parlé la semaine dernière à Bruxelles avec le président de la Commission José Manuel Barroso.

Dans son esprit, cette organisation serait ouverte à tous les pays riverains de la Méditerranée et pourrait traiter de sujets d’intérêts communs comme l’environnement, la lutte contre la pollution et les contrôle des flux migratoires. Dans cette perspective, l’Élysée envisage la tenue d’une conférence des pays méditerranéens, sans doute pas avant 2009. L’Allemagne, par exemple, n’en serait pas, mais la Grande-Bretagne, qui possède Gibraltar, pourrait y avoir un statut d’observateur. À terme, cette Union méditerranéenne pourrait être dotée d’institutions propres mais la Commission européenne pourrait aussi être chargée de certaines missions, dans des domaines de compétence où les intérêts de l’Europe et de la Méditerranée se croiseraient.

Plus généralement, très actif sur la scène européenne depuis son entrée en fonction le 16 mai, Nicolas Sarkozy espère que le 22 juin, lors du prochain sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union, sa proposition d’un traité simplifié pour réformer les institutions européennes fera consensus. Si c’est le cas, le président de la République, qui a récemment reçu à l’Élysée le président de la Banque centrale européenne Jean-Claude Trichet, lancera à l’été une initiative dans le sens d’un renforcement du gouvernement économique. Elle comprendrait notamment des mesures fiscales et un volet monétaire, explique-t-on dans son entourage.

« D’abord, on dote l’Europe d’un nouveau traité simplifié, résume-t-on à la présidence de la République. Puis on la muscle économiquement. On bâtit une politique de l’immigration et une politique de l’énergie communes. On fixe des frontières. Et on pose les bases de l’Union méditerranéenne. » Sans oublier la défense de l’agriculture par la préférence communautaire, les négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou l’avenir d’EADS… Les dossiers s’amoncellent vite.

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Sources

Source : La Croix, le 30 mai 2007

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