Au château d’Ecouen (Val-d’Oise), le Musée national de la Renaissance réserve une belle surprise. Jusqu’au 15 février, l’exposition « François Ier et Soliman le Magnifique » met en lumière les relations nouées entre deux grands souverains que le contexte historique et religieux aurait dû opposer. Sont dévoilées, documents à l’appui, les voies parallèles de la diplomatie européenne au XVIe siècle et les liens tissés entre la France et la Turquie, contre l’Empire des Habsbourg et Charles Quint.
Des pièces rares sont montrées, comme ce rouleau de vélin calligraphié à la poudre d’or de Soliman à François Ier, retrouvé il y a quatre ans dans un registre où il avait été oublié. Il concerne le siège de Nice (6-15 février 1543), pour lequel le Grand Turc demande que sa flotte hiverne en rade de Toulon. La trentaine de goélettes, mouillées au pied de la cité fortifiée aux toits gris et ocre, est représentée dans une miniature de Suleymanname, datée de 1545. Toulon fut vidée de ses habitants fuyant les « barbares » et indemnisée. La flotte ottomane est sous les ordres de Barberousse, maître d’Alger à la redoutable réputation, nommé grand amiral par Soliman.
Le sabre de Soliman et le buste en bronze de François Ier en armure évoquent le contexte des croisades. Comme la lettre de février 1519, signée « francoys », dans laquelle le roi revendique le statut de chef spirituel de la chrétienté et s’engage à marcher au secours du Saint-Siège contre les Turcs. Mais Charles Quint obtient, en juin de la même année, le titre d’empereur romain germanique. Un événement qui attise le courroux du Français contre son rival, auquel il dispute les états de Naples et de Milan, afin de desserrer l’étau des Habsbourg.
L’Empire de Charles Quint court des Pays-Bas à l’Espagne, de l’Autriche à la Franche-Comté. Il gagnera, en 1525, la bataille de Pavie, et retient un temps François Ier prisonnier à Madrid. D’une toute petite écriture régulière, la lettre de Louise de Savoie, sa mère, qui assure l’intérim à la tête du royaume, sonne l’alarme. Quelques mois plus tard, François Ier reçoit de Soliman un manuscrit calligraphié d’or et de lapis-lazuli, au ton amical et bienveillant.
Boîte à chiffrer
Le roi de France cherche un appui au-delà de l’échiquier traditionnel. L’envoi, en 1535, d’un ambassadeur permanent, Jean de La Forest, à la Sublime Porte, scelle l’alliance et la collaboration militaire face aux Habsbourg. Le chrétien allié à l’infidèle contre ses propres frères fait scandale. Mais François Ier, en habile stratège, multiplie les tractations. Lesquelles sont illustrées, tout au long de l’exposition, non seulement par les lettres échangées avec Soliman, mais aussi par les différents traités et l’attirail du diplomate, comme cette étonnante boîte à chiffrer, ou le « bassin » en vermeil ciselé de Charles Quint, qui raconte la prise de Tunis, et le Coran aux armes d’Henri II. Le Turc qui porte caftan brodé et turban citrouille ou Soliman lui-même, dont un admirable profil est signé Hopfer, est l’image véhiculée à l’époque dans toute l’Europe.
Les échanges franco-turcs à la Renaissance, peu présents dans les manuels d’histoire et encore moins mis en scène, donnent leur sens aux éléments réunis à Ecouen. Dans le cadre de la saison de la Turquie en France, cette exposition est aussi l’occasion de découvrir les céramiques d’Isnik, qui occupent une salle du relais de chasse d’Anne de Montmorency. Ce joyau, que le puissant connétable avait fait construire pour y recevoir le roi, a gardé intact le décor peint en trompe l’oeil des appartements de Catherine de Médicis et ses cheminées monumentales.
« François Ier et Soliman Le Magnifique », jusqu’au 15 février 2010, Musée de la Renaissance, château d’Ecouen (Val-d’Oise). De 9 h 30 à 12 h 45 et de 14 heures à 17 h 15, sauf le mardi. Tél. : 01-34-38-38-50. De 3 € à 4,50 €.
Le 4 février 2010, à 20 heures, concert d’oud, luth et guitare Renaissance à la Cité de la Musique, 221 avenue Jean-Jaurès, Paris 19e. 18 €. Tél. : 01-44-84-44-84.
Florence Evin