Alors qu’en Turquie, les jeunes sont moins religieux que leurs parents, ils s’inquiètent aussi moins qu’eux d’une éventuelle menace que le religieux pourrait faire peser sur le sécularisme en Turquie, selon une étude de l’ONG ARI qui vient d’être rendue publique. Cette étude montre aussi que la confiance et l’intérêt que ces jeunes accordent à la politique reste faible.
Les leaders politiques turcs n’ont pas la confiance des 17-25 ans.
Bien qu’ils soient cinq sur dix à se déclarer « pieux », l’étude révèle qu’ils sont moins religieux que leurs parents. De plus, ceux qui ressentent les activités anti sécularistes comme une menace a baissé par rapport à la même étude menée en 1999. Pour tirer cette conclusion, le rapport d’ARI se base sur la baisse du nombre de jeunes qui estiment que la religion est une question personnelle devant rester absolument distincte du politique.
« Les adultes ont une conception bien établie de la question politique, alors que les jeunes sont moins préoccupés par la corrélation entre laicité et religion » estime Emre Erdogan, membre du mouvement ARI. Pourtant le pourcentage de ceux qui souhaitent l’application de la charia a baissé de 15 à 12%, mais « cela pourrait être une erreur de statistiques » estime Emre Erdogan.
Cette étude révèle aussi que les jeunes s’intéressent assez peu à la politique et n’ont pas confiance en ceux qui la font. Le Premier Ministre, Recep Tayyip Erdogan fait partie de ceux qui ont le plus perdu la confiance de la jeune génération. Ce sont cependant à Devlet Bahceli, le leader du Parti du Mouvement Nationaliste (MHP) et à Deniz Baykal, leader du Parti Républicain du Peuple (CHP) que les plus jeunes accordent le moins leur confiance. Leur « insatisfaction » vis-à-vis du système politique actuel se jauge à la notation qu’ils attribuent aux différents leaders politiques. Ils n’accordent que 5 points sur 10 à Erdogan, 3 à Bahceli et seulement 2 à Deniz Baykal.
« Les jeunes ne font confiance à personne » en conclut Emre Erdogan,« cette étude révèle un sentiment d’insécurité et un manque de confiance vis-à-vis de la présidence, du gouvernement, des municipalités et des partis politiques. L’armée, la police et la justice sont les institutions en lesquelles ils ont le plus confiance. »
Comme la confiance qu’ils accordent au système politique est faible, l’intérêt qu’ils portent à la politique l’est aussi, bien qu’il ait augmenté ces dernières années. En 1999 moins de 45% des jeunes s’y intéressaient. Ce taux est tombé à 34% en 2003 mais est remonté à 40% en 2008.
La moitié des jeunes se déclarent nationalistes selon cette étude qui révèle que 30% d’entre eux se situent à droite de l’échiquier politique, soit 3% de plus qu’en 2003.
Le pourcentage de jeunes impliqués dans le mouvement associatif est resté inchangé ces dix dernières années ; seuls 4% des jeunes sont membres d’une ONG.
Les jeunes voient l’avenir avec pessimisme.
Cette étude révèle aussi un vent de pessimisme chez les jeunes de Turquie 80% d’entre eux craignent en effet qu’une crise politique ou économique ne survienne au cours des douze prochains mois . Et même s’ils se disent satisfaits de leur vie actuelle, ils ne sont guère optimistes pour l’avenir.
Selon l’étude d’ARI, plus de la moitié des jeunes entre 17 et 25 ans souhaitent intégrer l’Union Européenne. Si un référendum se tenait aujourd’hui, ils seraient plus de 53% à voter en faveur de l’entrée de la Turquie dans l’UE. Mais avec 58% d’opinions favorables, le pourcentage d’adultes favorables à l’intégration est plus élevé, ce qui montre une moindre volonté des jeunes à rejoindre le bloc européen.
Quand on les interroge, 17% des jeunes gens disent envisager d’émigrer vers un pays de l’Union Européenne à cause du manque d’opportunités de faire des études ou de trouver un travail en Turquie. « Mais la plupart de ceux qui manifestent le souhait de partir pour améliorer leurs conditions de vie, n’ont aucune idée de ce qu’ils pourraient faire dans un pays de l’Union Européenne » souligne Emre Erdogan.
Il ressort de cette enquête qu’en Turquie les jeunes sont inquiets pour leur avenir. Ils se plaignent beaucoup de n’avoir aucune alternative.
Cette enquête, la troisième menée sur le sujet, a porté sur un échantillon de 804 jeunes de 15 villes différentes, dont Istanbul, Ankara, Izmir, Bursa, Trabzon, Samsun, Erzurum, Malatya et Gaziantep.