Le premier janvier, la TRT (Télévision Publique Turque) lance un programme en langue kurde 24h sur 24.
Dans son discours prononcé à l’occasion de la remise du prix de la Présidence de la République pour les Arts et la Culture, l’écrivain Yaşar Kemal justifiait cette décision de lancer une chaîne entièrement en langue kurde au sein de la télévision turque :
« Imaginez un peu l’état d’une humanité dans un monde uniculturel : une humanité réduite à une seule fleur, une seule couleur, un seul parfum et un monde réduit à une seule langue. N’est-il pas possible que nous choisissons d’améliorer le monde dans lequel nous vivons plutôt que d’en arriver là ? Et une voie naturelle pour une telle amélioration ne peut passer que par une vraie démocratie. La démocratie elle aussi est variable. On ne cesse d’ajouter des droits à la déclaration des Droits de l’Homme. Plus ça va, plus la démocratie change et s’approfondit. Tous les peuples vivant en Anatolie utiliseront leur propre langue, emploieront leur propre langue dans l’enseignement, écriront et tourneront des films dans leurs propres langues. Et nous prendrons conscience que nous vivons sur une terre multiculturelle. »
Parmi les auditeurs de Yaşar Kemal à la Présidence de la République figurait İbrahim Şahin, le directeur général de la TRT. Une semaine auparavant, il avait réuni des intellectuels et des artistes à Istanbul pour leur parler de l’ouverture de ce canal.
Selon le directeur de la TRT, cette chaîne qui émettra 24h sur 24 en langue kurde cherchera à « ne pas imposer l’idéologie de l’Etat, soumettre des programmes informationnels de plusieurs heures à vocation propagandiste ou à défendre de vieilles interdictions avec des images d’archive. »
A la tête de cette chaîne, on trouvera Sinan İlhan, un homme issu des rangs de la diplomatie turque.
Faire sa place parmi la dizaine de chaînes kurdes diffusées en Turquie par satellite ne devrait pas être facile. Ce qui n’empêche pas M. Şahin d’être ambitieux. Il a donné l’exemple de la BBC lors de la réunion qu’il a tenue avec des artistes suceptibles de produire des émissions en langue kurde. Il a rappelé que la Russie avait ouvert une chaîne kurde. Et qu’en Turquie lorsqu’un citoyen d’origine kurde ouvrira la télévision il lui sera possible de suivre des « programmes culturels, artistiques, de divertissement, des films et des documentaires. »
A cette réunion ont participé des artistes tels que Seher Dilovan la nièce de Kemal Burkay [Figure historique du combat politique kurde en Turquie, NdT], Nilüfer Akbal, Nuri Sesigüzel, Nesimi, Bejan Matur, Orhan Miroğlu, Mushin Kızılkaya, Ümit Fırat et Süleyman Çevik.
Cette chaîne commencera par émettre en Kurmancî, dialecte kurde central, majoritaire en Turquie, auquel en Turquie il faut ajouter le Zaza alors qu’en Irak, c’est le Soranî qui s’impose pour le nombre de locuteurs.
Les films étrangers plutôt que d’être sous-titrés seront doublés en langue kurde. Lors des programmes d’information, on utilisera les lettres employées dans l’alphabet kurde comme le « q, x et w ».
C’est une personne qui participait aux préparatifs de la TRT qui raconte : un de ses amis l’appelait de Diyarbakır. Il lui demanda en kurde où il était. Apprenant que son ami était dans les bureaux de la TRT, il décida de raccrocher au plus vite.
Nous voilà passés d’une Turquie où l’on enfermait les gens parce qu’ils parlaient kurde à une Turquie où l’on diffuse en kurde 24h/24.
Bonne chance à tous. Bi xêr be.