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Paris redoute des représailles de la part d’Ankara

mardi 10 juin 2008, par Natalie Nougayrède

Reléguée par Nicolas Sarkozy à l’« Asie mineure », la Turquie s’apprête à ne faire aucun cadeau à la France lors de sa présidence de l’Union européenne (UE), qui commence le 1er juillet.

Partenaire important de l’Europe, notamment pour les questions énergétiques et de défense, la Turquie est en mesure d’entraver certaines des priorités affichées par Paris.

La relation bilatérale est crispée. Le récent vote par les députés français d’un amendement au projet de réforme de la Constitution française, qui maintient un référendum pour l’adhésion de la Turquie à l’UE, et pour elle seule, a accru le problème. Ankara a qualifié ce texte, le 3 juin, d’« approche discriminatoire, préjudiciable » à la coopération avec la France.

Source d’inquiétude pour l’Elysée : la présence du président turc Abdullah Gül ou du premier ministre Recep Tayyip Erdogan au sommet de l’Union pour la Méditerranée prévu, à Paris, le 13 juillet, est loin d’être acquise.

Position intransigeante

La Turquie a aussi une capacité de blocage sur le développement de l’Europe de la défense, dont Paris a fait une priorité. Membre de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), elle demande des garanties d’accès à tout projet de l’UE qui impliquerait des infrastructures ou une logistique de l’Alliance atlantique.

Pour tenter de lever l’hypothèque turque, et aussi pour calmer les craintes de pays comme le Royaume-Uni, la Suède, l’Italie, l’Espagne, qui redoutent un incident de parcours pendant la présidence française de l’UE, les responsables français se sont mis à assurer que leur approche serait « impartiale, objective, équilibrée ».

M. Sarkozy a dépêché à Ankara, en début d’année, son conseiller diplomatique, Jean-David Levitte, et, plus récemment, le secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet. Mais les déclarations successives de M. Sarkozy sur la Turquie et du premier ministre, François Fillon, à propos de l’occupation du nord de Chypre, ont attisé l’amertume. Les militaires turcs, en particulier, tiennent une position intransigeante depuis le vote, en 2006, d’une loi française qui pénalise la négation du génocide arménien.

En dépit des demandes du ministre français des affaires étrangères, Bernard Kouchner, Ankara n’a pas levé les restrictions placées, début 2007, sur les droits de survol du territoire turc par les avions militaires français se rendant en Afghanistan ni sur les droits de mouillage des navires français dans les ports turcs.

M. Sarkozy a confié en mars une mission « sur la relation franco-turque » au député UMP Pierre Lellouche, partisan de l’intégration de la Turquie dans l’UE. L’affaire de l’amendement de la Constitution est « calamiteuse, atterrante », commente-t-il, après une visite, le 13 mai, à Ankara, où il a été reçu à haut niveau. Gaz de France reste évincé du projet de gazoduc européen Nabucco traversant la Turquie. D’autres projets sont en souffrance. En tout « 5 milliards d’euros de contrats ont été perdus » par la France en Turquie depuis septembre 2007, estime M. Lellouche.

Cherchant le moyen de sortir de cette crise par le haut, les émissaires français ont répété à Ankara que seuls les chapitres de la négociation avec l’UE supposant une adhésion à terme de la Turquie seraient bloqués. Ils ont laissé entendre qu’un ou deux nouveaux chapitres pourraient être ouverts avant la fin de l’année. La méfiance persiste : « Aucune garantie ne nous a été donnée », dit une source diplomatique turque, à Ankara.

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Sources

Article publié dans le monde du 5 juin 2008 sous le titre « Paris redoute des représailles de la part d’Ankara »

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