Qui, mieux que Michel Rocard, Député européen et ancien Premier Ministre, pour éclairer tous les enjeux de la période qui s’annonce ? Une période marquée par l’imbrication de grandes échéances politiques intérieures françaises ainsi qu’européennes. Le calendrier s’affole en effet : mi-juin, projet de Réforme constitutionnelle devant le Sénat ; fin juillet, vote solennel de ce texte en Congrès ; à partir du 1er juillet, Présidence française de l’Union Européenne (U.E) ; le 13 de ce même mois, réunion à Paris du sommet de l’Union Méditerranéenne chère à Nicolas Sarkozy, mais que l’absence de la délégation turque risque d’entacher d’un parfum d’échec... Car l’étonnante adoption au Parlement, au soir du 29 mai, de cette disposition désormais inscrite dans le projet de Réforme des Institutions du maintien d’un référendum sur l’entrée de nouveaux membres européens « dont la population représenterait 5% de celle de l’Union » est bel et bien une flèche adressée à Ankara, et a d’ailleurs été reçue comme telle là-bas ! Michel Rocard, qui qualifie de « catastrophe » cet amendement, nous en commente ici les effets négatifs. Elogieux sur bien des points de la Réforme engagée, notamment pour redonner du poids au Parlement, il se dit aussi favorable à un mouvement dans ce sens pour le Sénat. Quant à la prochaine Présidence française du Conseil de l’UE, il la souhaiterait « la moins arrogante possible ». D’autant plus dans cette période d’attente du référendum irlandais, et face aux défis énergétiques, écologiques, économiques et sociaux que l’Europe se doit d’affronter. Même obligation de résultat pour la Politique Agricole Commune, pour laquelle, espère-t-il, la voix de la France pourra jouer de tout son poids.
Mais les hasards de calendrier affectent aussi le Parti Socialiste... A la rentrée, il faudra bien avoir trouvé un successeur au poste de Premier Secrétaire occupé pendant onze ans par François Hollande. Les socialistes s’y préparent, bien sûr. Michel Rocard ne déteste pourtant rien tant que s’exprimer sur la ou les candidatures susceptibles de s’imposer. Cette médiatisation de la vie politique, par la course aux personnes, est à ses yeux le pire des maux de cette politique-spectacle dont il se retire sur la pointe des pieds. Pour ne plus voir ça ! Avec tristesse, avec regret, nous reconnaissons notre part de responsabilité journalistique dans ce phénomène qui voit partir cette dernière génération d’hommes politiques ; ceux que nous nous désolons déjà de voir remplacés par des seuls experts en Communication... Alors, même si les propos de la dernière partie de cette interview sont sévères, nous remercions Michel Rocard de nous avoir ainsi livré le fond de sa pensée.