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La Turquie entend poursuivre son offensive dans le nord de l’Irak

dimanche 2 mars 2008, par Guillaume Perrier

Soldats turcs dans le nord de l'Irak

L’opération transfrontalière menée par la Turquie est le résultat de son droit légitime à l’autodéfense« , a répété, mardi 26 février, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, à Ankara. Une réponse au gouvernement irakien qui parlait un peu plus tôt de »violation de la souveraineté de l’Irak" et de source potentielle de déstabilisation de la région.

Au sixième jour de l’offensive terrestre et aérienne lancée contre les camps des rebelles du Parti des travailleurs kurdes (PKK), nichés dans les montagnes du nord de l’Irak, Ankara n’entend pas renoncer à son objectif, conforté par le soutien de la communauté internationale. Malgré d’importantes chutes de neige, les troupes en tenue de camouflage continuent à progresser vers le sud. Elles contrôleraient déjà une zone de 25 à 50 km en territoire irakien. De violents combats se sont déroulés, mardi, dans la vallée de Zap, l’une des principales bases arrière du PKK. Sept autres camps auraient été détruits, selon les informations livrées par l’état-major.

Une fois les vallées frontalières « nettoyées », l’armée turque doit ensuite marcher sur le mont Qandil : un nid d’aigle situé à la frontière iranienne, à une centaine de kilomètres au sud de la Turquie, où sont retranchés les principaux chefs de la guérilla.

« Le but est de détruire entièrement les installations du PKK, son arsenal et ses voies d’accès à la Turquie ou à l’Iran », détaille Sedat Laçiner, expert pour l’Organisation internationale de recherche en stratégie (USAK). Mais aussi de causer les pertes les plus lourdes possibles dans les rangs des « terroristes ». Selon l’armée turque, qui concède 19 tués parmi ses soldats, 153 rebelles auraient été tués. « Il est impossible de connaître le nombre précis », fait remarquer M. Laçiner.

Mais de nombreuses questions demeurent sans réponse claire quant à l’objectif réel de ces opérations. Le gouvernement assure vouloir ramener les troupes en Turquie dans les plus brefs délais. Mais en haut lieu, les militaires parlent déjà de plusieurs semaines. Certains militent même pour une installation durable, comme le leader du Parti d’action nationaliste (MHP), Devlet Bahçeli.

Le général à la retraite Edip Baser, ancien chef de l’armée de terre puis chargé de coordonner la lutte anti-PKK, est également de ceux-là. « Mon sentiment est que l’armée turque doit rester. L’objectif est d’occuper un territoire d’où on peut avoir un contrôle total sur les frontières. Et il faut rester en Irak du Nord jusqu’à ce que le PKK soit totalement éliminé. Pas seulement en Irak, mais également en Europe, où se trouvent ses réseaux financiers », confie-t-il. D’autres anciens généraux n’hésitent pas, sur les plateaux de télévision, à évoquer Mossoul et Kirkouk comme les véritables cibles des opérations. « Je ne crois pas que ça ira jusque-là, estime Mehmet Dülger, ex-ministre des affaires étrangères. Mais Mossoul et Kirkouk, que la Grande-Bretagne a récupérées après la première guerre mondiale, sont restées comme deux plaies dans notre cœur. »

Plus plausible, l’instauration d’une zone tampon dans le nord de l’Irak, sous contrôle turc, pourrait permettre à l’armée turque de contrôler la zone frontalière, tout en permettant au gouvernement régional kurde de sauver les apparences. « L’idée peut aussi être de rester là jusqu’à ce que la situation devienne plus claire en Irak, après le retrait américain », suggère M. Dülger.

En cas de retrait des troupes américaines d’Irak, par le nord du pays et par la Turquie, l’armée d’Ankara et ses bases aériennes pourraient jouer un rôle déterminant. Même si le premier ministre Erdogan s’en défend, les analystes spéculent sur la contrepartie accordée à Washington, contre son soutien aux opérations anti-PKK. Depuis novembre 2007, les Etats-Unis fournissent des renseignements aux Turcs qui bénéficient également d’une aide technique israélienne.

Un renfort en Afghanistan, un soutien logistique en cas d’attaque américaine contre l’Iran, ou les projets de centrales nucléaires turques pour lesquelles Washington ne cache pas son intérêt... Le secrétaire d’Etat américain à la défense, Robert Gates, attendu mercredi soir à Ankara pour une série de discussions avec les responsables turcs, devrait évoquer tous ces dossiers.

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Sources

Article original publié dans Le Monde du 27 février 2008

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