Chypre – L’île de Chypre, qui se trouve divisée depuis 1974 en deux zones, grecque et turque, séparées par une zone tampon, a enfin un espoir de réunification.
Indépendamment de l’influence de l’Eglise grecque orthodoxe à Chypre, la formation politique chypriote grec de gauche, le Parti progressiste des travailleurs (AKEL), a réussi à remporter les dernières élections qui se sont déroulées dans la partie chypriote grecque. Ces élections ainsi que le fait que les dirigeants des deux côtés recommencent des pourparlers dans la zone tampon a redonné aux Chypriotes un espoir de résolution du différend entre les deux populations.
Dans le premier tour des élections, le 17 février dernier, le Parti AKEL, le plus ancien de la zone du sud, s’est allié au Parti socialiste (EDEK) et au Parti démocratique (DIKO) pour former une coalition. Au second tour, une semaine plus tard, le Parti AKEL se trouvait à la tête de la coalition.
Par ailleurs, une rencontre datant du 21 mars dernier, entre les dirigeants d’AKEL et du Parti républicain turc (CTP) de la zone du nord, a ravivé l’espoir que ce cycle de pourparlers pourrait bien marquer le début d’une procédure de négociation et aboutir à la réunification de l’île.
L’actuel président de la république de Chypre (sud) et dirigeant d’AKEL, Demetris Christofias a promu la paix et la réconciliation à travers des négociations bi-communales et à l’occasion d’activités bi-communales – comme des tournées ou des festivals de musique – depuis l’ouverture des frontières en 2004. Les partis de gauche des deux côtés sont anti-nationalistes et progressistes. Ils soutiennent ensemble l’idée d’une identité chypriote qui réunit, sans distinction entre chrétiens, musulmans, grecs ou turcs.
Le sujet qui illustre sans doute le plus clairement le désaccord profond parmi les Chypriotes c’est la question de l’identité nationale. Avec des cultures, des religions et des histoires différentes, le besoin d’une identité nationale commune est essentiel pour rassembler les diverses communautés. Bien que le processus des élections et les rouages de la démocratie se soient développés au fil des années, l’influence de l’Eglise dans le sud du pays sur le plan local comme sur le plan international est encore omniprésente, si bien que cela met à rude épreuve toute tentative de résolution du différend sur l’île.
Ces dernières années, l’Eglise est allée jusqu’à affirmer que ceux qui ont voté pour un référendum de 2004 portant sur le Plan Annan – plan des Nations Unis pour la création d’une République de Chypre réunifiée – iraient en enfer. Par ailleurs, l’Eglise a exigé sans relâche à être impliquée toujours plus dans les élections officielles du gouvernement. Elle a soutenu le Parti de rassemblement démocratique de Chypre (DISY), qui est de droite, lors des dernières élections, car selon elle, soutenir le parti AKEL (parti communiste) serait néfaste aux principes chypriotes grecs de chrétienté et d’« hellénité » .
Une telle implication dans la vie politique du pays a enlisé la voie qui mène à la résolution du différend ; une identité nationale hellénique – telle que l’envisage l’Eglise – ne pourrait jamais coexister aux côtés d’une identité nationale musulmano-turque. Néanmoins, après la mort de l’archevêque Makarios (qui était à la fois le chef de l’Etat et de l’Eglise, avec une autorité tentaculaire dans la partie sud de Chypre), l’influence de l’Eglise s’est amoindrie considérablement, comme l’a montré le manque de soutien que lui ont témoigné les électeurs. La majorité a voté pour le parti AKEL lors des élections de février, sans tenir compte du soutien clair et net de l’Eglise pour le parti opposé,
A l’inverse de l’Eglise, l’islam n’a pas une très forte influence sur la vie socio-politique de la partie nord de l’île. Les Chypriotes turcs ne sont pas très pratiquants ; ils célèbrent les fêtes religieuses, mais par exemple, seule une minorité fait le jeûne pendant le mois de Ramadan. Le chypriote turc ne s’identifie pas à un groupe religieux.
Avec l’élection du parti AKEL dans le sud, nous espérons voir la ligne verte qui sépare les deux parties de l’île se transformer en un espace d’activités, d’écoles, de cafétérias et de parcs bi-communaux, fonctionnant sans l’influence et la présence des forces militaires d’un côté ou de l’autre. Nous espérons que la ligne verte pourra muer d’espace négatif en espace productif pour la jeunesse chypriote, avec l’aide temporaire des observateurs de l’ONU. En outre, nous nous réjouissons de la diminution des restrictions « frontalières » et du nouveau sens de la communauté : une nouvelle communauté chypriote réunifiée.
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* Tony Angastiniotis est producteur de documentaires, écrivain et militant des droits de l’homme, d’origine chypriote grecque.
** Natasha Quandour, jordanienne, est étudiante en master à l’Eastern Mediterranean University dans la partie nord de Chypre ; elle est également membre du corps enseignant des études en communication et médias.