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L’AKP échappe de peu à l’interdiction : victoire du compromis

samedi 2 août 2008, par Marie-Antide

Logo de l'AKPLa Cour Constitutionnelle a rendu son verdict hier en fin d’après midi. Après 3 jours de délibération, la majorité requise de 7 juges n’ayant pas été atteinte, le parti AKP au pouvoir échappe donc à l’interdiction et 71 de ses membres à 5 ans d’inéligibilité. En effet, 6 juges ont voté pour l’interdiction du parti, 4 juges pour des sanctions financières et un juge s’est opposé à toute sanction.

Accusé par un procureur général d’activités anti-laïques en Mars 2008, l’AKP se retrouve donc sanctionné financièrement par une diminution de moitié des subventions perçues du Trésor en 2008. Il devra donc rembourser 22.8 millions YTL (près de 10 millions d’euros) sur les 44 millions YTL reçues en début d’année.

Le scrutin a été serré, il ne s’agit donc pas d’un triomphe mais d’une mince victoire. Reste à savoir de qui ou de quoi.

Le Premier Ministre Recep Tayip Erdogan s’est empressé hier de se féliciter de cette décision, la qualifiant de victoire de la démocratie. C’est aller très vite, trop vite.

Cette décision est d’abord une victoire du compromis. Depuis 1960, une vingtaine de partis, essentiellement pro-kurdes ou pro-islamistes, ont été interdits et cette décision de la Cour, rendue possible par un amendement de la Constitution en 2001, est une première dans la vie politique turque. Elle faut y voir une amorce de compromis pour vivre ensemble entre deux camps qui s’affrontent ouvertement pour le pouvoir depuis plus de 10 ans (je prends comme point de départ l’interdiction du parti Refah, tenant d’un islamisme très conservateur en 1997).

N’oublions pas qu’un autre parti, le DTP pro-kurde, est aussi sous le coup d’une interdiction. Ce sera une victoire de la démocratie, de la liberté d’expression et du droit du citoyen à disposer de lui-même quand une sentence qui relaxe ce parti sera prononcée.

Cette décision est ensuite une victoire de la Cour Constitutionnelle qui, du rôle de gardienne de valeurs figées par une interprétation stricte de la loi, endosse l’habit de pacificatrice des confrontations politiques. Et ce n’est pas un hasard si le juge Kilic, une fois la sentence prononcée, a appelé les partis à la négociation avant d’avoir recours à l’arsenal juridique.

Cette décision est enfin une condamnation « de la conception de souveraineté comme la comprend l’AKP » : les 47% de votes qui l’ont porté au pouvoir et le manque d’opposition ne doivent pas lui faire oublier qu’il n’est que le parti majoritaire, « la souveraineté appartenant au peuple et non pas à un parti » (extraits d’une interview du professeur Ibrahim Kaboglu, parue dans le quotidien Milliyet, le 28 Juillet).

« Durmak yok, yola devam ! » (pas d’arrêt, on continue !) : ce slogan de l’AKP lors des législatives de 2007 a resurgi hier, dans l’enthousiasme d’avoir échappé à l’interdiction. La forte tension qui régnait en Turquie depuis plusieurs semaines, est enfin retombée. Retour donc à la vie courante, à la gestion du quotidien, de l’inflation qui repart, de la crise économique qui se dessine pour 2009 et des tensions dans l’Est kurde.

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