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Allemagne : l’islam à l’école

vendredi 11 avril 2008, par Pierre Girard

« Joyeuses Pâques ! » La formule était sur toutes les lèvres ce week-end, en Allemagne, et même sur le site Internet du ministre de l’Intérieur. Dans un pays où la religion figure au rang des matières enseignées à l’école et où les Eglises bénéficient d’un impôt, la prééminence chrétienne est à peine voilée.

« Avancée »

Dans ce contexte, l’Allemagne vient d’adresser un signe important à ses 3,3 millions de musulmans, dont une majorité (1,8 million) est issue de l’immigration turque. Elle veut introduire à l’école des cours d’islam en allemand. La mesure a été annoncée le 13 mars par la trentaine de représentants de l’Etat et des organisations religieuses, membres de la Conférence allemande de l’islam.

« Nous nous sommes mis d’accord pour nous engager dans cette voie », a souligné le ministre de l’Intérieur, Wolfgang Schäuble. « Une avancée énorme » , de l’avis même du porte-parole du Conseil de coordination des musulmans (KRM), Bekir Alboga.

Les écoliers allemands bénéficient en effet de cours de protestantisme, de catholicisme, d’orthodoxie et de judaïsme. Mais pas encore d’islam. Pour autant, la nouvelle matière ne devrait pas figurer à l’emploi du temps des écoliers allemands avant cinq ans, estime le gouvernement. A en croire les professionnels de l’éducation, qui jugent la prévision trop optimiste, le délai pourrait être plus long. « La réflexion durera au moins le temps qu’une génération d’écoliers achève sa scolarité » , affirme le président du syndicat d’enseignants DL, Josef Kraus.

Dans le système allemand, les professeurs doivent patienter sept ans avant de décrocher leur diplôme : cinq ans à l’université, auxquels s’ajoutent deux ans de stage. Pas question pour Josef Kraus d’imaginer une dérogation dans le cas de l’islam. « Ce serait contraire au principe d’égalité » , soutient-il.

Autre condition à remplir pour devenir une matière scolaire : un interlocuteur unique. L’islam n’en a pas. Le KRM, créé l’an dernier à cet effet, ne fait pas encore l’unanimité. Il représenterait à peine un musulman allemand sur dix, selon l’Institut d’information sur les religions (Remid).

Main tendue

Une fois désigné, l’interlocuteur devra prendre part à l’élaboration des programmes de cette nouvelle matière. Ceci dans chacun des Länder, qui détiennent localement la compétence de l’éducation. Une mission d’autant plus délicate que des enseignants ont déjà émis des réserves. A l’Institut de théologie d’Oldenbourg, le pédagogue Jürgen Heumann a notamment mis en garde face au risque d’un « cours de foi islamique » sans contenu critique. « Nous n’importerons pas d’imams venus de n’importe où », a réagi le ministre de l’Intérieur, en promettant des enseignants maison.

Schäuble compte sur ces cours pour « provoquer un changement de pratique dans les mosquées » et prévenir les discours extrémistes, qui concerneraient 1 à 2 % des musulmans allemands, selon son ministère. C’est en fait une main tendue aux musulmans, car, parmi les Allemands d’origine turque interrogés par l’institut Emnid, les trois quarts ont le sentiment que le gouvernement fédéral ne les représente pas.

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Sources

Source : Libération, le mercredi 26 mars 2008

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