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Adhésion de la Turquie : l’Elysée dit finalement oui au référendum

lundi 2 juin 2008, par Jean Quatremer

Sarkozy et la Turquie - Plantu Le référendum « anti-turc » est de retour. Alors que Nicolas Sarkozy voulait supprimer l’obligation d’organiser une consultation populaire pour ratifier tout nouvel élargissement de l’Union européenne, les députés UMP ont réussi à imposer son maintien pour la Turquie.

La commission des lois de l’Assemblée nationale propose, en effet, avec le soutien de l’Elysée, que le référendum reste obligatoire pour l’adhésion de pays représentant « au moins 5 % de la population européenne ».

Quelle est l’origine du référendum obligatoire ?

On le doit à Jacques Chirac. Le chef de l’Etat, sans qui la Turquie n’aurait jamais pu commencer des négociations d’adhésion, a voulu, par ce biais, désamorcer un vote négatif anti-turc lors du référendum sur la Constitution européenne, en 2005. En effet, même si les deux questions n’ont rien à voir, les opposants à la candidature d’Ankara, qui se recrutent surtout à droite, auraient pu instrumentaliser cette consultation. En février 2005, un article 88-5 fut donc introduit dans la Constitution française qui oblige le chef de l’Etat à organiser une consultation pour tout nouvel élargissement après l’adhésion de la Croatie qui devrait devenir membre de l’Union en 2009.

Pourquoi Nicolas Sarkozy voulait-il supprimer le référendum ?

Cette procédure limite la capacité de négociation du Président puisqu’il court un sérieux risque d’être désavoué par son peuple. Ensuite, la France s’arroge le droit de prendre en otage toutes les futures adhésions à l’Union. Enfin, Paris assumera seul les conséquences de la crise diplomatique qui suivrait un éventuel non. En particulier, la Turquie, qui a commencé ses négociations d’adhésion en 2005 avec l’assentiment de la France, ne lui pardonnera jamais une telle humiliation qui se paiera économiquement et politiquement. Et tous les pays musulmans prendront l’éventuel vote négatif des Français comme un camouflet à leur égard : qui peut croire que la campagne ne portera pas sur la religion de ce pays ? Chaque référendum risque, en outre, de donner lieu à des dérapages xénophobes du pire effet.

L’Élysée est-il prêt à accepter le maintien du référendum ?

Nicolas Sarkozy n’a manifestement plus la confiance de ses troupes. L’UMP a introduit un amendement au projet de révision constitutionnelle qui rend obligatoire le référendum pour ratifier l’adhésion des Etats représentant « plus de 5 % de la population européenne ». Ainsi, la Turquie n’est pas la seule à être visée, puisque l’Ukraine et la Russie, comme on le précise sans rire à l’Elysée, font aussi parties du lot. Néanmoins, l’amendement de l’UMP « stigmatise en réalité la seule Turquie », puisque c’est le seul grand pays qui négocie son adhésion, critique le député socialiste Pierre Moscovici : « On ne peut pas traiter un pays de 70 millions d’habitants comme ça, c’est lamentable. »

A l’Elysée, on estime qu’il est normal de consulter les Français pour les grands pays, comme cela a été le cas en 1972 pour la Grande-Bretagne. Pierre Moscovici n’est guère convaincu : « Si cette disposition, qui est une défaite pour Sarkozy, est maintenue en l’état, je pense que le PS ne votera pas la réforme constitutionnelle. »

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Sources

Article paru dans Libération le 17 mai 2008 sous le titre : « Adhésion de la Turquie : l’Elysée dit finalement oui au référendum »

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