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Turquie - Istanbul - Témoignage d’une jeune femme à propos du « nettoyage » de la place Taksim

mercredi 12 juin 2013, par Canan Salenelles

Ce matin vers 7h30, la police a organisé une farce pathétique sur la place de Taksim mettant en scène des policiers en civil déguisés en faux activistes « provocateurs » et « terroristes » jetant des cocktails Molotov et des pierres sur les TOMA (véhicules anti-émeute et canons à eau) de la police dans le but de justifier une attaque d’une violence extrême pour « protéger le pays de groupes marginaux terroristes ». Comme par hasard, les médias turcs arrivés sur commande qui, manipulés et serviteurs du gouvernement depuis le début de la résistance, absents de toutes les autres émeutes, ont soudain installé de très bonnes prises de vue sous plusieurs angles pour filmer et retransmettre en direct l’action théâtrale des forces de l’ordre.

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Assaut de la police sur la place Taksim à Istanbul le 11 juin 2013

Malgré une qualité impressionnante de performance cinématographique, les usagers de facebook et de twitter ont vite fait de dévoiler la mascarade car forcément avec tellement d’efforts audio-visuels, certaines images de « provocateurs terroristes » tenant entre les mains leurs talkie-walkie, les pistolets dépassant des poches et avec leurs gilets de chasse peu prisés dans les milieux activistes, ont semé le doute. Alors que les journaux et télévisions proches du gouvernement relatent massivement ces images de l’intervention anti-terroriste qui servirait soi-disant à protéger les gentils campeurs du parc de Gezi, les usagers des médias sociaux continuent de se relayer la vraie information.

Les véhicules de maintien de l’ordre arrivés en masse (un peu plus d’une dizaine de TOMA) ainsi que les équipes de police venues en renfort ont nettoyé la place de Taksim de toutes banderoles et autres affiches qualifiées de « loques illégales » par le Premier Ministre Recep Tayyip Erdoğan. Ils ont détruit les barricades construites par les résistants et ont combattus les citoyens qui étaient accourus pour protéger le parc de Gezi. Le préfet de la ville d’Istanbul ayant promis aux campeurs du parc de se réveiller avec « les chants des oisillons et les odeurs de tilleul » a changé de discours vers la fin de la journée en conseillant au peuple de ne pas se rendre à Taksim, laissant implicitement comprendre que la sécurité des citoyens n’y serai pas assurée, bizarrement et malgré la présence renforcée de tant de policiers.

Au même moment, une opération d’arrestation brutale de 45 avocats manifestants pour les droits des campeurs de Gezi devant le tribunal de justice de Çağlayan (un quartier d’Istanbul) a bien réussi à semer la panique et le sentiment de non-droit dans le pays. Les avocats ont été relachés après avoir décliné leur identité et leur statut professionnel.

Dès la nuit tombée, les forces de l’ordre ont bombardé le parc de Gezi et ses habitants de gaz lacrymogènes. La place de Taksim et les avenues alentours sont devenues une fois de plus le triste théâtre de dures violences envers les citoyens, cette fois attaqués avec des balles en caoutchouc et les mythiques canons à eau et bombes lacrymo. De nombreux blessés sont transférés vers le dispensaire improvisé du parc de Gezi, vers certains hôtels alentours qui mettent à disposition des espaces pour les médecins bénévoles, et vers divers bureaux et bars du quartier qui ont ouvert leurs portes.

Des députés des partis d’opposition se sont déplacés jusqu’au parc pour y former un bouclier humain. Mais les attaques incessantes durent toute la nuit et le destin du parc de Gezi demeure incertain et selon le bon vouloir du premier ministre devenu dangereux et ridicule roi du monde (roitelet anatolien).

Les manifestations en solidarité au parc de Gezi sont réprimées dans plusieurs villes de la Turquie et notamment à Ankara où des dizaines de milliers de citoyens sont descendus dans la rue.

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Sources

Témoignage de Canan Salenelles le 11 Juin 2013 à Istanbul.

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