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Turquie - Jean Marcou : « Un contexte porteur de violence »

vendredi 1er août 2008, par Laure Marchand

À Istanbul, Jean Marcou dirige l’Ovipot, l’Observatoire de la vie politique turque, rattaché à l’Institut français d’études anatoliennes.

Le figaro - Certains médias attribuent l’attentat de dimanche soir aux Kurdes du PKK. Y a-t-il des éléments qui accréditent cette thèse ?
Jean MarcouJean MARCOU. Oui, notamment la méthode employée et l’endroit où ont eu lieu les explosions. En Turquie, le PKK est l’auteur auquel on pense spontanément. On peut lui faire porter facilement le chapeau car c’est un coupable « neutre » en quelque sorte. L’attentat de ce week-end rappelle d’ailleurs celui de mai 2007 à Ankara, qui avait fait six morts. (la candidature à la présidentielle d’Abdullah Gül avait déclenché une crise constitutionnelle, NDLR). On a accusé le PKK. En fait, on n’a jamais trop su d’où il venait.

L’attentat de dimanche a été particulièrement meurtrier…
S’il faut rester très prudent sur les auteurs possibles, ce que l’on peut dire en revanche c’est qu’il a été planifié pour impressionner les civils, pour leur faire peur. Dans tous les pays confrontés à des problèmes identitaires, les actions terroristes ou séparatistes peuvent être utilisées pour ressouder l’unité du peuple.

Les délibérations de la Cour constitutionnelle sur la demande de fermeture de l’AKP ont débuté quelques heures après les explosions. Que pensez-vous de cette concomitance ?
Le contexte est effectivement très particulier. Très porteur de violence. Y a-t-il eu une volonté de faire pression sur les juges ? Il faut rester prudent, mais c’est une hypothèse. On sait que les juges hésitent à fermer l’AKP. Car leur légitimité est en jeu. Depuis le mois de juin, ils n’ont toujours pas motivé leur décision d’annuler l’autorisation du port du foulard dans les universités. S’ils font de même pour la fermeture de l’AKP, ils rendront clairement une décision politique et perdront leur crédibilité juridique déjà entamée. La Cour est donc confrontée à la difficulté de motiver une interdiction de l’AKP de façon à la rendre acceptable aux yeux de l’opinion publique, ou alors elle devra opter pour une décision plus neutre.

Vendredi dernier, a été annoncée la tenue d’un procès en octobre pour juger les membres du réseau Ergenekon (accusés d’avoir fomenté des actions violentes pour faire tomber le gouvernement). Cette cellule clandestine pourrait-elle être liée à l’attentat ?
C’est également une possibilité, comme pour l’attentat d’Ankara l’an dernier. Il y a une tradition de manipulations et d’assassinats en Turquie. Avec l’affaire Ergenekon, l’« État profond » (l’expression désigne un État dans l’État, composé de militaires, de politiques et de mafieux, NDLR) a refait surface. Son action est évoquée depuis les années 1970, avec l’existence d’organisations luttant contre l’extrême gauche et plus ou moins liées aux autorités. Les assassinats du journaliste Hrant Dink ou du juge du Conseil d’État, entre autres, sont attribués à Ergenekon. Mais certains voudraient sans doute profiter de la procédure contre Ergenekon pour faire le procès de l’État profond de ces vingt dernières années et tout attribuer au camp laïque.

Propos recueillis à Istanbul par Laure Marchand

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Sources

Article Original Publié dans le Figaro.fr le 28 juillet 2008 sous le titre « Jean Marcou : « Un contexte porteur de violence » »

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