Deux de mes meilleurs amis étaient des Kurdes pendant mes années d’études à Paris. L’une était originaire de la ville de Tunceli à l’Est de la Turquie.
Je ne sais pas si cette personne est toujours en vie ou non ni où elle se trouve actuellement. Nous avions tellement confiance l’un dans l’autre que nous laissions l’un à l’autre nos enfants à garder. Mon amie était fière de ses origines : Kurde et politiquement proche du Parti Travailliste turc.
Mes idées sur la question kurde en Turquie n’ont jamais changé depuis cette période. Nous discutions facilement sur ce problème. Nous étions d’accord sur certains points et avions des points de vue divergents sur d’autres. Nous avons perdu contact quand j’ai quitté Paris.
La semaine dernière, j’ai écrit une colonne sur la discussion soulevée par Bülent Ersoy et j’ai dit que je n’exprimerais pas mes idées à ce moment-là, mais que je le ferais plus tard. Maintenant, c’est le moment de le faire. Je vais en parler très franchement. Et même, je vais essayer d’être un peu provocateur. En effet, il est temps, maintenant, de parler très clairement de cette question. Il devient même un peu tard pour le faire. C’est pourquoi je pense que chacun de nous devrait se montrer un peu courageux et être capable de dire quelque chose de différent.
Mes propos peuvent mettre en colère certains d’entre vous. Je vous demande juste une chose : s’il vous plait, croyez en ma sincérité.
D’abord, posons-nous une question et essayons d’y apporter une réponse sincère et réaliste. S’il vous plaît, ne vous braquez pas et écoutez la première chose que votre cœur vous souffle : que voulons-nous ? Un combat dont on ne se soucie pas de savoir quel en sera le prix ? Ou une guerre ? Pendant combien de temps encore devons-nous continuer cette guerre qui dure depuis 24 ans ? Attention, notez bien que je ne dis pas « pouvons-nous continuer ». Car nous pouvons continuer si c’est vraiment nécessaire.
Mais nous devons aussi répondre de façon sincère et réaliste à la question suivante : devons-nous continuer ? Peut-on mettre fin au terrorisme avec des solutions purement militaires ? Si vous répondez : « Oui, nous devons continuer » et « Oui, on peut y mettre fin », alors, inutile de poser d’autres questions.
Pourtant, même nos dirigeants disent que le carnage ne peut être arrêté ni le problème kurde résolu par des moyens militaires uniquement. Donc, posons les autres questions.
Quel mal y aurait-il à appeler ces gens, avec qui nous avons vécu, combattu et ri ensemble pendant des centaines d’années dans ce pays, des « Kurdes » et les laisser poursuivre leur vie en tant que « citoyens kurdes de la République turque » ?
On dit qu’ils veulent un « système fédéral », une « structure fédérale ». Quel mal y aurait-il à discuter de cela étant donné que l’ancien Président de la Turquie Kenan Evren avait fait allusion à un « système fédéral » ?
Qui sait, peut-être les Kurdes peuvent-ils convaincre les Turcs ou peut-être les Turcs peuvent-ils convaincre les Kurdes.
Je ne donne pas mon opinion sur ce sujet, je me contente de poser les questions. Je ne me soucie pas du PKK. Je les ai toujours appelés des « tueurs de bébés ». Je continue à les voir comme des tueurs et je ne pense pas que cela changera. Mais il y a des gens avec qui nous vivons depuis des siècles, des gens qui ont le passeport de ce pays, qui font leur service militaire, qui paient leurs impôts, qui travaillent, qui meurent et sont enterrés dans ce pays.
Voici le siècle où la boîte de Pandore s’est ouverte. Nos propres boîtes à malheurs se sont également ouvertes.
C’est pourquoi nous devrions désormais commencer à parler de cette question sans peur, sans inquiétude, sans colère, mais en disant ce que nous pensons réellement. Personne ne devrait craindre cela. La Turquie deviendra plus forte après une telle confrontation.