De la semaine qui vient de s’écouler, retenons deux informations La première arrive de Turquie. Un coup de filet préparé dans la plus grande discrétion a permis l’arrestation de 33 membres du réseau d’extrême droite Ergenekon.
- Jean-Paul Bret
- Jean-Paul Bret
Parmi les personnes arrêtées, des noms qui défrayaient régulièrement la chronique dont celui de l’avocat Kerinçsiz, connu pour son acharnement à débusquer les « traîtres à la nation » et à les traîner en justice par une utilisation obsessionnelle du célèbre article 301. C’est une excellente nouvelle et un soulagement pour beaucoup de gens en Turquie, notamment pour la famille du journaliste arménien Hrant Dink, assassiné il y a juste un an, qui commence à pouvoir espérer que justice soit rendue.
La seconde vient de Villeurbanne, dont le maire socialiste, Jean Paul Bret n’a pas besoin que soit promulgué un article « 301 » pour décréter traître potentielle une des candidates présentée par ses alliés verts sur la liste qu’il conduira lors des prochaines élections municipales. Quels graves secrets pouvait bien recéler le passé de cette dame pour être l’objet d’une telle suspicion ? Cette candidate a des origines turques, ce qui en fait d’emblée une suspecte, comme le directeur de campagne du maire l’explique dans LibéLyon du 26 janvier.
« Nous avons des doutes car il y aura une pression terrible sur elle », explique Richard Llung, directeur de campagne de Jean-Paul Bret. « Les gens en face de vous ne vous voient pas que comme vous êtes. Chacun représente soi-même mais au peu au-delà aussi. Nous savons que le consulat de Turquie exerce parfois des pression très fortes sur ses ressortissants et sur les associations turques. A Villeurbanne, Jean-Paul Bret est très engagé sur cette question de la reconnaissance du génocide arménien. »
Traitement de « faveur »
Sommée de s’expliquer à diverses reprises au sujet de la question sur laquelle Monsieur Jean Paul Bret « est très engagé », cette candidate a « reconnu » sans réticences, sauf sur le procédé employé, qu’elle pensait qu’il y avait effectivement eu génocide. Ainsi à Villeurbanne pour avoir le droit d’être éligible sur la liste dirigée par le PS, il faut d’abord reconnaître publiquement qu’il y a eu un génocide arménien. Mais ce traitement de faveur n’est réservé qu’à certains. En l’occurrence à certaines, parce que « les gens en face ne vous voient pas que comme vous êtes », c’est-à-dire une citoyenne française qui souhaite s’engager dans la vie de sa municipalité sur un programme élaboré par le parti auquel elle a choisi d’adhérer. Ces gens en face, ne se nommeraient-ils pas Jean Paul Bret et certains membres de sa liste par hasard ? Son directeur de campagne devait regarder son propre reflet la glace quand il tenait ces propos.
Mais cela ne suffit pas. L’équipe de Monsieur Bret persiste à avoir des doutes. A qui la faute ? Mais au Consulat de Turquie, voyons, « qui exerce parfois des pressions très fortes sur ses ressortissants » auxquelles, ces derniers seraient incapables de résister, parce qu’évidemment quand son ascendance est turque, il est impossible de résister aux pressions qu’un consul est supposé parfois exercer.
On se demande bien comment ont pu résister des Hrant Dink, des Yachar Kemal, des Yilmaz Güney, des Elif Safak, des Ahmet Altan, des Mehmet Uzun, des Ibrahim Kaboglu et bien d’autres, connus ou anonymes, qui se sont un jour ou l’autre trouvés face à la justice de leur pays pour avoir exprimé des idées qui dérangeaient. Ils ne doivent sans doute pas être de vrais ressortissants de Turquie.
En attendant c’est bien sous le poids « des pressions terribles » exercées par l’équipe PS que cette dame a renoncé à se porter candidate. Et on ne peut que la comprendre. Peut-on collaborer au sein d’une équipe qui vous apprend de façon si brutale qu’en fait vous n’êtes pas vraiment française ? Et que d’avoir des origines turques ferait de vous un être dénué de toute personnalité et de force de caractère. Une femme soumise en somme.
... pavée de bonnes intentions
Maintenant imaginons que Monsieur Jean-Paul Bret décide de s’engager activement dans la défense des harkis, qui ont été bien échaudés par un de ses anciens amis politiques dans la ville de Montpellier. Si par malheur au sein de l’équipe municipale se trouvait une élue dont le père aurait combattu au sein du FLN, cette dernière devrait-elle renier le choix de son père sous peine d’être immédiatement exclue ? Si le Maire de Villeurbanne choisit de s’intéresser au sort des Palestiniens de Gaza, une élue juive devrait-elle illico presto clarifier sa position sur la question ? Et si une élue un peu naïve reconnaissait ne pas très bien connaître la date du génocide, ce qui est le cas quand même de pas mal de gens en France, quelle peine encourrait-t-elle pour risquer de froisser ainsi la sensibilité de Monsieur le maire ?
Personne n’est figé dans une identité, qui par définition est modulable ; un Turc, un Marocain, un Polonais, ou un Alsacien de France sont d’abord des Français.
Si avec des intentions, forcément toujours bonnes, la vie politique française se laisse envahir par des querelles extérieures dont le règlement n’est de toute façon pas entre nos mains, ne serait-ce pas plutôt de nouveaux ressentiments que nous engendrons, ici, dans nos villes et bien au-delà de celles-ci ?