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Nouvelle étape dans la question kurde

lundi 3 avril 2006, par Marillac, Murat Belge

© Turquie européenne pour la traduction

© Radikal, le 02/04/2006

Comme tous les démocrates de Turquie, légitimement inquiets de revoir des images, des discours et des réflexes qui avaient quasiment disparu de Turquie depuis le début des années 2000, Murat Belge nous livre là sa première réflexion sur les évènements qui agitent le Sud-Est de la Turquie à majorité kurde depuis quelques jours.

A l’origine de ces émeutes, le PKK (parti séparatiste kurde) qui a rompu unilatéralement le cessez-le feu l’année dernière, sait parfaitement tirer profit d’une situation politique qui, en Turquie à moins de deux ans d’échéances électorales majeures (présidentielles et législatives), n’autorise que peu d’initiatives en dehors d’élections anticipées que le gouvernement pourrait tout à fait convoquer en cas d’embrasement sur le dossier kurde pour ne pas laisser les forces nationalistes tirer les marrons du feu.
Murat Belge parle ici d’une étape nouvelle : du moins de sa possibilité ; reste à savoir quelles seront les positions et influences de l’élément nouveau qu’est la société civile émergente en Turquie sur le cours de cette question politique majeure au regard de l’avenir de la démocratie turque.
Un appel est ici lancé aux intellectuels et démocrates kurdes par l’une des voix les plus légitimes et les plus écoutées de la gauche démocrate turque, dans le cadre d’un bref éditorial, grimpé dans la journée du dimanche 2 avril en tête des pages web les plus consultées de la presse turque.
- TE

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Après le cours suivi par la question kurde en Turquie, et au stade atteint aujourd’hui, je suis d’avis qu’une solution est sur le point de se dessiner. C’est pourquoi le chaos renouvelé ces jours derniers dans l’Est du pays paraît si inquiétant. Alors qu’une avancée non négligeable dans la bonne direction a été accomplie, le fait de tout reprendre au début, de faire comme si rien ne s’était passé, constitue une situation « Sisyphienne » très décourageante.

Parvenus à ce stade, je pense que les choses les plus importantes incombent plus aux intellectuels kurdes qu’à leurs confrères turcs. Je parle de « cette étape ou de ce stade » et jusqu’à ce qu’on en vienne à cette toute récente conjoncture, je n’en avais rien dit ni pensé d’ailleurs. Mais désormais c’est tout un espace d’action qui s’ouvrent devant eux ; naissent les possibilités de détourner ces évènements du canal habituel de la violence pour les tirer vers celui de la paix, et ces possibilités sont du ressort prioritaire des intellectuels kurdes. Mes doutes concernent plutôt la question de savoir s’ils les mettront ou non à profit, et si oui de quelle manière. Je me pencherai en détails sur ces questions dans les jours à venir.

Le compromis contre la peur et le diktat

Mais avant d’en venir là, il me faut très précisément indiquer ceci : sur une telle question, il existe au moins deux parties et si une solution doit être trouvée à ce problème, elle devra réunir les deux parties. Dans de tels processus, la négociation d’un accord ne peut se réaliser que dans la mesure où chacune des parties peut accepter certaines renonciations. Elles peuvent être de diverses natures et la concession peut parfois paraître très importante la partie « concédante ».
Mais le seul moyen de parvenir à un accord pour une solution est celui-ci, et c’est précisément ceci qui différencie le processus que je viens de décrire de la méthode qui consiste à « dicter une solution. »

Par conséquent, c’est en prenant la mesure de cette exigence que la partie turque doit agir. La solution, jusqu’à présent, n’a pu être dictée. Ce qui signifie que le persistance dans cette méthode et dans ce comportement ne donnera pas d’autre résultat que d’aggraver le problème et de le rendre plus insoluble encore. En conséquence, à ce stade, ce que j’appelle les intellectuels et les élites politiques kurdes ont, s’ils souhaitent la paix, la responsabilité de nombreuses actions et décisions.
Mais la partie turque, et en particulier, les autorités n’en ont pas moins à accomplir.

C’est dans le quotidien Sabah d’hier (vendredi 31 mars) que je lisais une brève. Kadir Ercan écrivait d’Ankara. Sujet : le Sud-Est anatolien. Il titrait « les corps des terroristes ne rentreront pas en ville » !
C’est à cause d’un enterrement qu’ont été déclenchés les derniers évènements ; comme mesure préventive, on parle de ne pas apporter les corps en ville dans l’enceinte du « Haut Conseil pour la Lutte contre le Terrorisme. » C’est-à-dire que la lutte se poursuivra, que l’on continuera à voir ce que l’on appelle des enterrements, mais que c’est en n’apportant pas les corps en ville que l’on préviendra et circonscrira le problème !
[...]

Une institution comme le « Haut Conseil pour la Lutte contre le Terrorisme » est un lieu qui organise la lutte contre le terrorisme en fonction des données de la situation en cours sur le terrain. C’est la raison pour laquelle je ne critique pas le fait qu’une telle décision ait été prise dans ce cadre. Mais alors que l’on discute de ces problèmes en ce lieu, il conviendrait que, dans d’autres lieux, l’on puisse mener des discussions quant à savoir ce qu’il convient de faire, non pas pour que les cercueils ne rentrent pas en ville, mais pour qu’il n’y en ait plus.

Ce genre de problèmes (surtout après être parvenus à ce stade), ne peuvent trouver de solution que dans un environnement de confiance réciproque. Et ceci n’est possible qu’en cas de respect mutuel. La priorité des deux parties est dorénavant de créer les conditions de ce respect.

© Radikal, le 02/04/2006

Traduction pour TE : François Skvor


Pour aller plus loin : l’article de Ragip Duran dans Libération.

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