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Turquie : le virage 2007

vendredi 11 janvier 2008, par Haluk Sahin, Marillac

Nous voilà dans les derniers jours d’une année qui fut l’une des années les plus chargées depuis la fondation de la République en 1923. Il est désormais temps de tenter de comprendre ce qui nous est arrivé.

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C’est presque dur à croire mais tout ce qui suit s’est déroulé en une seule et même année : l’assassinat de Hrant Dink, ses funérailles à Istanbul avec une foule de plus de 100 000 personnes, le massacre de trois missionnaires chrétiens à Malatya, les énormes meetings « républicains » du printemps, le e-mémor@ndum militaire du 27 avril, la décision de la Cour constitutionnelle concernant le quorum nécessaire à l’élection du Président de la République, les élections législatives et les 47% de l’AKP, l’élection de Gül à la Présidence, le référendum portant sur la Constitution, les attaques redoublées du PKK, l’autorisation de porter le fer en Irak contre ce même parti et finalement les attaques sur ses implantations en Irak du nord…

A tout cela vous ajouterez toutes les tentatives du couple Sarkozy-Merkel en direction d’une exclusion de la Turquie d’Europe pour mieux l’enfermer en « Asie mineure », la rencontre Bush-Erdogan comme le rapprochement Iran-Turquie.

Une année « merveilleusement » bien remplie. Et une année dont nous ne comprendrons la véritable portée des événements qu’avec le temps.

Quant à moi, je trouve approprié de tenir cette année pour un temps durant lequel la Turquie « a fait basculer l’aiguillage ».

Une question d’aiguillage

Depuis 1923 et jusqu’en 2007, la Turquie a progressé ou tenté de progresser sur la voie d’un projet qui était clairement formulé : il s’agissait de créer un Etat-nation moderne sur les cendres d’un Empire multi-ethnique qui venait de s’effondrer. Il fut, sur cette voie, des avancées, des ralentissements et même des phases de patinage. Mais la Turquie est toujours restée opiniâtrement posée sur ces rails. Elle a même été contrainte d’y rester.

Avec les élections du 22 juillet dernier puis l’arrivée de M. Gül à la Présidence, le pays a fait pivoter l’aiguillage selon la volonté de la majorité de l’électorat comme du capital international. Le projet d’Etat-nation kémaliste a cédé la place à un autre modèle : celui d’un modèle « post moderne » façonné par des orientations globales.

Et maintenant le train fait ainsi son bonhomme de chemin : une pincée de démocratie, une autre de religion, un brin de conservatisme social (celui du quartier), un peu de libertés, mais surtout une ouverture au monde et beaucoup de consommation…Une création tout en rapiéçage très spécifique à ce 21e siècle naissant.

Et tout ceci, je ne l’écris pas sur le mode de la complainte funèbre pour ce qui vient de finir. Ce qui vient de finir n’a pas pris fin en vain. Mais ce que je vois ne m’incite pas plus à célébrer sans mesure ce qui va nous arriver à l’avenir.

Comme je l’ai déjà écrit à maintes reprises, cette année nous sommes plongés dans le clair-obscur. S’agit-il d’une aurore ou d’un couchant ?

Nous n’en savons rien pour l’instant. L’énergie dégagée par la suppression de certains réflexes désuets liés à l’ancien régime comme par cette libération civile est assurément très importante et significative.

La force née de l’implication électorale de cette « périphérie » peut nous permettre de surmonter certaines difficultés chroniques en Turquie.

Mais le risque de haute tension n’a pas disparu pour autant : l’aiguillage électrique survenu avec cette libération de la « province » peut très bien porter le pays vers un second voire un troisième aiguillage…

Depuis le 22 juillet dernier, la Turquie vit une consolidation progressive. Tous les obstacles dont se plaignait l’AKP durant sa première mandature ont été levés. Les positions adverses ont été liquidées. Ils s’implantent où ils le souhaitent, sortent les lois qu’ils veulent. Leur voie est libre.

Pas d’opposition crédible n’est en mesure de leur faire face (mais les foules qui étaient descendues dans les rues au printemps dernier pour défendre la laïcité ne se sont pas exilées). Ils ont progressé dans la constitution de leurs propres médias (et c’est en cela que le rôle des autres gagne en importance).

Voilà un peu dans quelles conditions nous allons entamer l’année 2008.
Fatigués, inquiets mais tout de même pleins d’espoir… Quoi qu’il en soit, la Turquie est un pays jeune. Le train avance sans radar dans une zone pour laquelle aucune carte n’a été éditée. Attendez, regardons voir.

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Sources

Source : Radikal, le 26/12/2007

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